Certaines grands-mères savent encore reconnaître au bord des chemins les herbes pour savonner, rincer, raviver les couleurs ou parfumer le linge.
Dans les périodes de disette, quand le savon vient à manquer, les femmes se rendent au bord des ruisseaux ou au pied de quelques talus secs pour y cueillir l’ « herbe à savon ». La saponaire officinale (Saponaria officinalis) est une plante vivace, traçante, qui fleurit en août et septembre. Toutes les parties de la plante et surtout la racine moussent lorsqu’elles sont froissées dans l’eau.
Au Moyen-âge, elle est utilisée pour dégraisser la laine des moutons et est appelée « herbe à foulon ». Elle a également servi à nettoyer les plaies des lépreux, les dartres, la gale et l’eczéma.
La saponaire officinale est devenue une plante ornementale dans les jardins. La variété à fleurs doubles ‘Plena’ est réputée pour sa floraison tardive en septembre.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a remplacé le savon manquant : « Je me souviens que ma grand-mère me lavait le visage avec la fleur. Ça sentait bon. »
Pour rincer : iris et grande aunée
« Le jour de la lessive, on n’arrose jamais les jardins, de crainte qu’il ne pleuve, raconte Bernadette. On faisait deux grandes lessives par an pour laver tout le linge blanc. Il était déposé dans un cuveau. Sur le dessus, on place une étamine pleine de cendre de bois de pommier et de feuilles de laurier sauce. Avec le pucheux, on passe de l’eau bouillante que l’on recueille en bas du cuveau, que l’on réchauffe et repasse sur le linge. »
Au rinçage, on utilise de la racine d’iris des marais (Iris pseudacorus) ou d’iris des jardins pour redonner toute sa fraîcheur au linge. Dans quelques familles, on va arracher de la racine d’aunée à grandes feuilles (Inula helenium) plante sauvage naturalisée sur les talus et quelques fossés du Pays d’Auge et du littoral ouest du Cotentin. À cet usage elle fut cultivée dans les jardins. Sa racine dégage une agréable odeur de violette.
Le lierre ravive le noir
Le noir était porté très jeune dans les familles. Au début du XXe siècle, la mariée est parfois vêtue de noir. Dès le premier deuil dans la famille, les vêtements sont teints par la ménagère ou confiés à la teinturerie. Mais cette couleur passe exposée à la lumière. Pour lui redonner sa brillance, les femmes mettent à tremper les vêtements de deuil avec des feuilles de lierre (Hedera helix).
Le muguet des armoires
Quand la lessive a séché, étendue sur des cordeaux entre les pommiers dans la cour de la maison, le linge est soigneusement rangé dans les armoires. Pour lui conserver toute sa fraîcheur, on glisse entre les piles de draps de petits bouquets de « muguet des armoires » ou aspérule odorante (Asperula odorata). Cueillie dans les bois de hêtres, c’est une petite fleur blanche discrète et sans odeur. C’est seulement lorsqu’on la coupe qu’elle dégage un agréable parfum d’amande. Le botaniste Louis-Alphonse de Brébisson signale son usage et son nom de « muguet des armoires » dans sa Flore de la Normandie publiée en 1836.
Les fleurs de lavande cueillies à la fin de l’été, emballées dans de petits sachets de papier de soie, sont glissées entre les piles de draps de lin ou de coton.
Les garde-robes
L’aurone (Artemisia abrotanum) est cultivée depuis le Moyen-âge comme plante médicinale. C’est une armoise au feuillage finement découpé, utilisée pour stimuler la digestion et comme vermifuge.
Dans les armoires, on suspend un rameau d’aurone pour parfumer le linge et en éloigner les insectes.
La santoline (Santolina chamaecyparissus) est utilisée pour ses propriétés identiques : dans les armoires, elle sert de « garde-robe » en éloignant les mites. Le terme de « garde-robe » est attesté par Louis Du Bois dans son Glossaire du patois normand (Lisieux, 1856).