Cocos normands

Le haricot, rapporté par les conquistadors, est introduit assez tard en Europe du Nord. À la fin du XIXe siècle, des variétés normandes font leur apparition sur les marchés, comme le ‘Coco de Pont-Audemer’…

Les « pois de mai »

Au XVIIIe siècle, deux siècles après leur découverte par les conquistadors, les Normands adoptent ces légumineuses qui ressemblent fort aux pois et aux fèves qu’ils consommaient depuis toujours… Ainsi, les premiers haricots cultivés en Normandie sont appelés « pés » ou « pois de mai » et parfois « fèves ». Ferdinand Gidon, médecin à Caen, a mené des recherches sur l’origine des plantes alimentaires en Normandie. Dans ses « Notes pour l’archéologie de l’alimentation » publiées en 1936 (Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie), il écrit : « Le haricot décrit par Albert Legrand au Moyen-âge était en France du Nord et en Allemagne une forme naine de Dolichos ou Vigna appelées fèves à visage, fèves peintes, cultivées jusqu’à l’arrivée en Europe du haricot (Phaseolus) rapporté par Christophe Colomb. Mais le nom de haricot est étranger au dialecte normand. »

Le 'Soissons' à rames
Coco de Pont-Audemer

Les premiers haricots introduits sont à rames et se mangent secs ou demi-secs. Leur gousse est dure et parcheminée et ne se consomme pas. Le type même en est la variété ‘Soissons’. Puis les haricots ont évolué : les grains deviennent plus fins et apparaissent les variétés « de pied », naines. Au début du XXe siècle, on trouve sur les marchés des variétés locales dont la généalogie n’a pas été déterminée : le ‘Coco de Caen’ ou le ‘Pont-Audemer’…

Le 'Coco de Pont-Audemer'

En 1937, la Maison André Heusse, rue Pont-Mortain à Lisieux, propose aux jardiniers un ‘Haricot prolifique de Lisieux’ et le ‘Coco de Caen’.
Jusqu’en 1960, les jardiniers de l’Eure et de Lisieux ont cultivé le ‘Coco de Pont-Audemer’.

Claude Mesnil, président de la Société d’horticulture de Lisieux jusqu’en 2014 et maraîcher à la retraite, se souvient : « On était des producteurs de ceinture. Nos terres étaient juste à la sortie de la ville. Le ‘Pont-Audemer’, c’était un fameux haricot, on le cultivait sur nos terres, rue Roger Aini et ensuite au Breuil-en-Auge. À la fin de l’été, on le vendait sur les marchés de Lisieux et de Cabourg. » Et Claude ajoute que pour la récolte  « il y avait des tâcherons, des cueilleurs qui faisaient les vendanges, la saison en montagne, les cueillettes de cerises, de fraises, de fruits. Ils arrivaient en voiture avec leur caravane. Ils cueillaient les haricots. »

Claude Mesnil, maraîcher à Lisieux, trie ses cocos

À Condé-sur-Noireau, à l’occasion d’une conférence à la médiathèque,  un jardinier âgé a envoyé son fils remettre à Montviette Nature le ‘Coco de la Passion’ « pour qu’il ne soit pas perdu ».

Il est aujourd’hui cultivé et remis dans le circuit des échanges…

Retrouver la recette ?

Un jardinier raconte : « À Saint-Julien-sur-Calonne, on cultivait le haricot ‘Saint-Marc’. On le semait le jour de la Saint-Marc, le 25 avril. Ce haricot était proche de la variété ‘Pont-Audemer’… »

Un soir, à la fermeture du Jardin Conservatoire à Saint-Pierre-sur-Dives, une famille apporta une boîte contenant des haricots. Des cocos. Ils se souvenaient : « Lorsque l’on était enfants, on allait chez notre grand-mère, près d’Orbec. Elle nous servait une tarte aux cocos. On n’en connaît pas la recette… »