En Normandie dans la vallée de l’Orbiquet, dès le XVe siècle, les éleveurs ont tenté de produire davantage d’herbe et de foin et, pour ce faire, ils ont inventé un système ingénieux de baignage des parcelles.
Une rivière riche en sédiments
En amont de sa source, l’Orbiquet est une rivière souterraine. Dans sa course, elle arrache des sédiments aux roches qu’elle traverse. Ce qui en fait une rivière exceptionnellement riche en minéraux que les éleveurs ont su très tôt utiliser dans leurs prairies.
La technique du baignage
On installe un barrage sur le lit de la rivière et on dévie une partie du cours d’eau sur les prairies en contrebas par un ingénieux système de vannes et de rigoles. « Un vannage en bois barre le cours du ruisseau et fait monter le niveau de l’eau. Le vannage gonfle un porteur. C’est un fossé d’environ 60 cm de large, en creux par rapport au terrain. Il emmène l’eau sur les parcelles. Le porteur doit être plus haut que le ruisseau, car il faut que l’eau revienne au ruisseau. Du porteur, on faisait sept, huit saignées qui partaient un peu en biais pour prendre la flotte. Tous les deux, trois mètres, on laissait une tanque, une levée de gazon pour que l’eau ne revienne pas. On baignait presque toute l’année, en dehors des récoltes. On mettait à l’herbe les bestiaux vers le 3-4 avril. On les faisait pâturer cinq fois dans l’année et on faisait une coupe de foin. Mais fallait pas qu’ils couchent dedans la nuit. »
Partager l’eau
Le partage de l’eau est acté devant notaire entre les propriétaires et les locataires, et après consultation d’un expert en hydraulique qui établit un plan d’irrigation. Le règlement d’eau fixe précisément les jours, heures et hauteurs de chacune des vannes à manœuvrer. « On avait une convention de baignage. Je tournais l’eau tous les deux, trois jours. On était quatre propriétaires. Les tours étaient calculés en fonction de la surface. Pour 20 ares, c’était deux jours de baignage. On levait la vanne deux, trois coups dans la journée. La manivelle était cachée dans un têtard. On changeait l’eau tous les deux jours. Et on ne baignait que quatre ou cinq saignées par coup. Tous les dix jours, on revenait au point de départ. »
Les rigoleux
Michel et Francis racontent : « Les rigoles ou les saignées, il fallait les refaire tous les ans. On avait des couteaux doubles, des simples et des bêches de baignage. Les couteaux simples pour les porteurs. Les doubles, c’est pour les rigoles. On les refaisait l’hiver et, au 15-20 décembre, on rebaignait.
La bêche de baignage doit avoir quatre doigts de large. Elle est affûtée à la meule. On foule d’abord sur le talon et parfois on foule dessus. Le manche du couteau est en néflier. »
Pour en savoir plus
Au départ de Saint-Julien-de-Mailloc, suivre le parcours des boucles de l’Orbiquet. Lire les articles de la revue Le Pays d’Auge.