Dangers et vertus de l’absinthe

Malgré sa mauvaise réputation, l’absinthe a été cultivée dans les jardins de Normandie, mais pour de curieux usages…

Au banc des accusées

En 1906, la Ligue nationale contre l’alcoolisme tempête contre l’usage de l’absinthe : « Elle rend fou et criminel, fait de l’homme une bête et menace l’avenir de notre temps. »

À la fin du XIXe siècle, la consommation abusive de l’absinthe distillée est responsable de formes de folie qui amènent les autorités à l’interdire à partir du 16 mars 1915.

Cette mesure restera en vigueur pendant 96 ans.

Et pourtant, pourtant…

Au  XIIe siècle, l’usage de la plante (Artemisia absinthium) était préconisé par sainte Hildegarde qui lui accordait de nombreuses vertus :                                   « Vin d’absinthe en friction sur la tête jusqu’au matin avec un bonnet de laine

Pour éclaircir les yeux, donner un élixir d’absinthe fait de vin cuit dans du miel et de jus d’absinthe

Troubles digestifs, hypertension

Inflammation des gencives : vin d’absinthe

Pommade contre l’arthrite faite de jus d’absinthe, de graisse de cerf et de bouc.  »

(Hildegarde de Bingen, Physica)

De même, le Livre des simples médecines publié au XIIe siècle recommande l’emploi de l’absinthe contre une douzaine de maux dont les vers du ventre, l’obstruction du foie et la jaunisse, les maux de tête, l’apoplexie…

Le comble est sans doute « contre l’ivresse, donner du jus d’absinthe avec du miel et de l’eau chaude ».

Elle est même appelée herbe sainte

Dans sa Flore populaire de la Normandie en  1887, Charles Joret mentionne le nom d’ « herbe sainte » à propos de l’absinthe dans la région de Condé-sur-Noireau.

Certaines femmes s’en servent de contraceptif. Parfois même, elle entre dans des préparations abortives avec la rue officinale.

On l’appelle aussi l’ « herbe aux vers ». Pour les adultes, les feuilles sont mises à macérer dans du vin blanc.

Aux enfants sujets aux vers, chaque printemps, on fait boire une tisane de feuilles. « J’ai le souvenir d’une boisson très amère », grimace Roland, qui s’était arrêté comme de nombreux visiteurs devant la plante au Jardin Conservatoire à Saint-Pierre-sur-Dives.

À la nouvelle lune…

Au Breuil-en-Auge, Geneviève s’en servait pour mettre ses poules à couver. Elle raconte : «  À la pleine lune, les œufs éclosent bien. Mais, à la nouvelle lune, ça s’en va en s’étiolant… Pour que la poule reste sur ses œufs, on mettait dessous, dans le nid, trois brins d’absinthe fraîche mais bien sèche, en étoile. Alors la poule reste bien sur ses œufs. Il ne faut pas en mettre plus : une fois j’ai mis plusieurs brins, ça l’a entêtée ; elle a laissé ses œufs… »

Pour une bonne couvée, les poussins doivent naître dans la journée, sinon la poule abandonne les derniers œufs à éclore.

On peut lire les ouvrages de Benoît Noël sur l’histoire de l’absinthe aux Éditions BVR.