Le genévrier pousse à l’état sauvage dans les bois, ou plutôt il y poussait, car son arrachage depuis plus d’un siècle l’a presque fait disparaître des forêts de Normandie.
En 1846, selon le botaniste Durand-Duquesney, il était commun en Pays d’Auge et à l’est de Lisieux, poussant « dans les bois et les coteaux arides ». Aujourd’hui, le botaniste Michel Provost constate que « cet arbuste thermophile est maintenant assez rare en Basse-Normandie et même inexistant dans la Manche » . (Atlas des plantes vasculaires de Basse-Normandie, Presses universitaires de Caen, 1993)
Pourtant au XIVe siècle le coutumier d’Hector de Chartres rapporte qu’en forêt de Brix et en forêt de Gavray (situées dans l’actuel département de la Manche), les paroissiens sont autorisés à prélever le saule, le saule marsault, les épines, le sureau, l’aulne, le genêt, le genévrier et la ronce. En revanche, aucune mention n’en est faite pour les massifs forestiers du Pays d’Auge.
« À Montviette, à l’emplacement du bois près du Cabaret aux cènes, il y avait des genévriers qui ont disparu. » Ce témoignage, recueilli lors de l’enquête sur les arbres en 1995-1996, confirme leur déclin. Aujourd’hui toutes les stations sont en très nette régression. Est-ce dû au fait de leur utilisation trop intense ?
Utilisé dans les fermes
Autrefois le genévrier était utilisé dans les fermes : « A l’arrière- saison, on brosse les tonneaux à cidre avec les branches du genévrier. On en avait un pied dans la cour.
Roland de Neauphes-sur-Dives nous indique qu’ « on en avait un pied dans un coin du jardin ». Souvent les genévriers « ont été arrachés dans les bois pour être replantés dans les cours de ferme. On s’en servait pour préparer les pots à lard ».
Aujourd’hui, dans la forêt de Montpinçon, il n’en subsiste que deux pieds. Un autre a été préservé dans une haie à Montviette. Tous trois sont peu vigoureux.
Quand on tuait le cochon
À Pont-l’Évêque, quand on tuait le cochon, on préparait « une infusion de baies de genévrier pour nettoyer les pots à lard ».
D’autres témoignages précisent que pour nettoyer les pots à lard « on utilisait aussi une décoction de feuilles et de tiges dont on frottait les parois avant d’y mettre le cochon à saler ». Dans certaines maisons, on ajoutait une branche de genévrier dans la saumure avec le thym et le laurier.
De l’usage des baies de genévrier
À Notre-Dame-de-Courson, « on allait ramasser des baies de genévrier dans les bois. On en faisait un digestif », raconte Colette.
Dès le XIIe siècle, les baies du genévrier servent à soigner. Le Livre des simples médecines préconise : « Contre les flux de ventre […] baigner le patient jusqu’au nombril dans de l’eau de pluie où ces semences de genièvre auront cuit et frotter ces parties du corps avec de l’eau chaude. Du genévrier on faisait de l’huile qui était efficace contre la fièvre quarte, l’épilepsie ou les douleurs de boyaux. »
Le mardi 31 décembre 1555, Gilles de Gouberville relate dans son journal qu’il est souffrant. Ses serviteurs « s’en allèrent au matin à Cherebourg. Pour une unse de mélilot et de l’uyle de genèvre pour mettre sur [son] estomac. »