Plantes magiques

Faire de mauvaises blagues en utilisant des plantes sauvages communes était le jeu des farceurs mais aussi des sorciers…

 

Avec les grandes herbes

Quand les gens circulaient chaque jour par les chemins de Normandie, ils se livraient parfois ou étaient victimes de cette farce : de chaque côté du chemin, on choisit de longues herbes que l’on attache ensemble.

Alors au crépuscule, l’écolier qui rentre chez lui, la trayeuse ou l’homme de journée qui s’en revient du travail, se prennent les pieds dedans et  tombent.

Se rendre invisible

On racontait aussi que l’on pouvait se rendre invisible !

Pour cela, il fallait fabriquer une potion, mais pas n’importe laquelle.

Il fallait recueillir des spores de fougère quand elles se détachent de la fronde… mais avant qu’elles ne touchent le sol.

Cette récolte est presque impossible et le reste de la recette demeure secret…

L’herbe éguérante

On craignait aussi de rencontrer le sorcier, surtout à la lisière des bois. Le fourbe aborde le passant, fait innocemment un bout de chemin avec lui, mais s’arrange pour le faire marcher sur une plante qui semble anodine. En fait, il s’agit de l’      « herbe éguérante». Le passant est alors incapable de retrouver son chemin et se perd dans le bois.
L’herbe éguérante n’est autre qu’une potentille (Potentilla erecta) des terres acides  qui pousse uniquement à la lisière des bois de feuillus et qu’on appelle « tormentille » ou « tourmentine ».

Sa fleur devrait avoir cinq pétales comme les autres potentilles, mais elle n’en a que quatre. On ne sait pourquoi.

Une anomalie botanique

Cette anomalie botanique n’égare pas que les marcheurs. Dans un bulletin de l’association d’art et d’histoire Le Pays Bas-Normand à Flers en 1911, J. Lechevrel rapporte qu’après avoir chanté et dansé autour du feu de la Saint-Jean « filles et garçons voient avec mélancolie la flamme s’éteindre […] C’est fini, malheur à qui s’attarde dans l’effusion d’une dernière étreinte, l’herbe « éguérante » cachera son chemin, il tombera de fatigue mystérieusement, attiré par les brindilles à l’étrange pâleur. » ( J.  Lechevrel, « La chanson populaire au pays bas-normand »Le Pays Bas-Normand, n° 3,  juillet 1911, p. 125)
Ne pas marcher sur la « tourmentine » ! C’est une     « mal herbe », l’herbe éguérante. Elle pousse en cercles dans toutes les forêts, sauf celles à conifères, et se cueille l’été. (D’après Anne Marchand, conteuse – Société historique de Lisieux)

Houlque laineuse
De bonnes blagues

Aujourd’hui les blagues sont plus raisonnables, comme de faire goûter une prunelle (Prunus spinosa) à un innocent à la fin de l’été quand sa chair paraît mûre, délicieuse et attirante, mais, en réalité,  s’avère horriblement astringente !

Au cours d’une balade, lorsque l’on voit des graminées bien mûres, comme la houlque laineuse (Holcus lanatus),  le plaisantin peut proposer de confectionner des paniers en tressant de manière savante quelques tiges de graminées ramassées.
Pour tresser ces brins, il réclame  de l’aide. Il croise alors les herbes dans la bouche de sa victime, lui demande de serrer un peu, juste ce qu’il faut,  et… tire d’un coup sec.

« Holcus lanatus, une des trente espèces les plus répandues dans la région. »

La houlque laineuse pousse dans les prairies et sur les talus, au bord des chemins de Normandie.

Michel Provost, Atlas de répartition des plantes vasculaires de Basse-Normandie,
Presses universitaires de Caen, 1993.