Sauver le chou de Tourlaville

En 2015, sur les marchés autour de Cherbourg, on vendait encore des plants du ‘chou de Tourlaville’ produits à Bretteville-en-Saire (50). Désormais cette variété n’est plus cultivée que par des amateurs. Une variété en danger de disparition ? 

Catalogue Lenormand Caen 1909

Cette variété bien connue était cultivée depuis la fin du XIXe siècle dans le Val de Saire, mais aussi dans les jardins autour de Caen, en Pays d’Auge et jusqu’à Rouen.

« Chou pommé blanc de Tourlaville, (vrai) ou Cabus. Très hâtif ‘Lemarchand’ Obtenu par M. Lemarchand, l’un de nos principaux cultivateurs maraîchers, qui le cultive en très grandes quantités et en plein champ  » (Catalogue A. Lemarchand, Caen, 1909)
« Chou prompt de Tourlaville, très hâtif, (graine cultivée dans la Manche) » (Catalogue R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre (50), 1924-1925)
À Caen, E. Rosette, en 1928 : « Chou cabus précoce de Tourlaville (variété très cultivée en Normandie pour la production de printemps) ».
« Chou pommé de Tourlaville, (vrai) extra » (Catalogue A. Heusse, successeur Maison Bassière, Lisieux, 1937)
« Chou de Tourlaville variété de mérite pour le bord de mer », (Catalogue E. Picard,  Rouen, 1938)
À Caen, l’établissement Sénécal sélectionne une souche de porte-graine : « De Tourlaville, sélection de drageons, se recommande comme chou de primeur. Tourlaville amélioré dit Lemarchand (sélection de drageons) commence à produire en avril une pomme énorme très serrée. » (Catalogue I. Sénécal, Caen, 1961)
Les cultivateurs grainiers du début du XXe siècle mettent un point d’honneur à sélectionner et conserver le type original, à ce qu’il ne soit pas confondu avec des variétés proches comme le chou ‘Prompt de Caen’.

 

Chou précoce de Tourlaville
La variété est longuement décrite par le semencier Vilmorin :
« Pomme assez haute et pointue, formée par l’enroulement des feuilles, dont quelques-unes ont une moitié libre et l’autre engagée dans la pomme. Feuilles larges et amples, d’un vert très foncé, à côtes très grosses et rondes près de la tige, se recourbant brusquement pour appuyer les feuilles contre la pomme. C’est une variété bien distincte, précoce, vigoureuse, qu’on voit arriver en grande quantité à la halle de Paris dès la fin de l’hiver, des environs de Cherbourg, où elle est cultivée en grand.
En dehors de son pays d’origine, elle ne paraît pas avoir d’avantage bien marqué sur les choux cœur de bœuf. C’est, au surplus, une race un peu variable au point de vue de l’apparence des feuilles, qui sont tantôt lisses, tantôt cloquées. » (Vilmorin-Andrieux et Cie, Les plantes potagères, Description et culture des principaux légumes des climats tempérés, 2e édition, Vilmorin-Andrieux et Cie, Paris, 1891, p. 123 – Collection Montviette Nature)
En 1926, dans son Catalogue général des graines potagères, Vilmorin indique : « Chou précoce de Tourlaville, Chou de printemps pour le bord de la mer. Pomme assez haute, pointue. Variété distincte, précoce. »

Mode de culture

« Semer en pleine terre en août-septembre ; repiquer en pépinière ; mettre en place en novembre ou au printemps à 40 ou 50 cm d’intervalle. (Catalogue E. Picard, Rouen, 1938) 

Leçons de choses 1920

Quand le ‘Tourlaville’ sert à des essais…

1934, le Bureau d’études sur les engrais de la Société commerciale des potasses d’Alsace, situé 34 rue Richard Lenoir à Caen et basé ensuite à Granville, diffuse un livret intitulé  La fumure des terres en Basse-Normandie  où des essais sont menés sur différentes cultures comme celle la pomme de terre à La Mancellière. Le président des maraîchers de Tourlaville-Cherbourg, monsieur Burnel, se prête volontiers à l’expérience. Il est diqu’ « autrefois, on faisait un large emploi des varechs qui apportaient une dose importante de potasse… Actuellement le varech est de moins en moins employé en raison des frais élevés qu’entraîne sa récolte… » Le bureau des engrais suggère donc l’emploi de chlorure de potasse pour obtenir le chou de Tourlaville de belle venue que montre l’image [ci-dessous] ! (Livret collection Montviette Nature) 

À lire aussi : la page wiki https://www.wikimanche.fr/Chou_de_Tourlaville et les notes de Michel Vivier dans son ouvrage  Savoirs et secrets des jardiniers normands, Éd. Charles Corlet, 2007.