À Montviette, au fond du vallon, sur le ruisseau la Canteraine est implanté un moulin attesté dès le XVe siècle. Son histoire est connue grâce aux archives et aux témoignages recueillis.
Jeanine, une des fondatrices de Montviette Nature l’a acquis en 1969. Avec Bernard, son époux, ils ont tenu à conserver intacte toute l’installation.
Sur le douet de Canteraine
Le douet, ou ruisseau, prend sa source à Montpinçon dans la forêt et traverse l’ancienne paroisse de la Gravelle. « Le nom de Canteraine appartient à la série bien connue des noms de lieux en chante/cante (forme normande) + nom d’animal.
Canteraine et ailleurs Chanteraine (lieu-dit à Vaudeloges) désignent des lieux où les grenouilles (normand raines) « chantent » (coassent) et donc abondent : ce sont des noms fréquents de parcelles, d’étangs, de marais et de ruisseaux bien attestés en France. Le nom raine (du latin rana) désigne différentes représentantes du genre rana. Il peut s’agir de la rainette, petite grenouille arboricole, de la grenouille verte ou rousse… » (D’après Dominique Fournier, Microtoponymie de l’eau à Montviette, Histoires et Traditions populaires du Billot, septembre 1991)
Plusieurs étangs jalonnent le cours du ruisseau sur l’ancienne paroisse de Gravelle puis sur celle de Montviette, aux Vignes, en collectant une cinquantaine de sources. Le ruisseau prend alors de la puissance et se déverse dans l’ancien étang des Tanneries puis dans l’étang du bourg où il alimente le moulin.
Ancien moulin à blé
Selon les historiens, un grand nombre de moulins ont été installés avant le début du XIe siècle. Seul moulin connu dans le village de Montviette, « il est mentionné pour la première fois en 1450 (Archives départementales de l’Orne A XLIX) »
« 1750, Monsieur Le Panthou, seigneur, possède à Montviette un moulin à bled avec maison et jardin affermé à Pierre Le Villain. » (Archives privées)
« Un document de 1809 précise qu’il s’agit d’un moulin à blé. Le meunier est, en 1835, Jean Amand Le boucher, qui habite le bourg et possède le moulin. Le Pré du Moulin appartient à un membre de sa famille, Thomas Simon Leboucher. Quant au Pré du biez […] il appartenait à Louis Malfilatre, boulanger à Montviette en 1835. » (D’après Dominique Fournier, Microtoponymie de l’eau à Montviette, Histoires et Traditions populaires du Billot, septembre 1991)
Usine hydroélectrique
En 1969, lorsque Jeanine emménage, l’électricité est produite uniquement par la turbine du moulin. « C’était du 110 volts en continu. Avec, on s’éclairait et quelques appareils fonctionnaient sur le 110. » Elle l’utilisera pendant plusieurs années avant d’être raccordée au réseau électrique.
Au début du XXe siècle, d’anciennes demeures ou bâtiments à pans de bois sont reconstruits en briques. C’est le cas du moulin de Montviette en 1912.
En 1920, le bourg s’active autour d’une boulangerie, d’une épicerie, des boutiques du cordonnier et du boucher ouvertes un jour par semaine, et du moulin, propriété de la ferme Leboucher, située sur le plateau du chemin de l’Orée. Le moulin va être transformé en usine hydroélectrique pour amener l’électricité à la ferme d’Amynthe Leboucher. La ferme de La Hoguette produit des livarots et des camemberts.
En 1923, le conseil municipal reconnaît que « l’électrification de la commune est désirable dans les plus brefs délais » et adhère à un syndicat de communes. Mais en 1927, Montviette se retire du syndicat… Les poteaux déjà livrés sont renvoyés. La commune de Montviette sera raccordée au réseau en 1958.
Le moulin, renommé « usine hydroélectrique » en 1920 par son propriétaire, fournira de l’électricité à la ferme de La Hoguette jusqu’en 1960. L’étiquette du « Petit livarot des Hoguettes » montre le moulin et la ligne électrique qui amène l’électricité à la ferme du plateau.
Curer l’étang
Par la fenêtre, au-dessus de l’évier de sa cuisine, Jeanine pouvait voir le martin-pêcheur traverser l’étang au ras de l’eau.
Un rail avait été installé dans le fond de l’étang. Il permettait de sortir la vase au moyen d’un wagonnet tiré par un cheval. La vase est déposée sur le pré, derrière les fagots posés sur le bord de l’étang pour l’empêcher de redescendre. Elle sèche plusieurs semaines, puis est emmenée sur les prés à faucher.
« Celui qui avait assez de vase avait de l’herbe pendant deux ou trois ans. Quand l’étang était curé, on ne le vidait pas entièrement. On nettoyait juste pour enlever le nécessaire. Il y avait toujours des truites dans l’étang », racontent les anciens.