Melon de Honfleur – Éléments d’histoire

Les historiens situent l’introduction des melons en Normandie au XVIe siècle. Près de Cherbourg (50), Gilles de Gouberville, écrit dans son Journal avoir reçu le 19 août 1549 en cadeau de son boucher un « pompon » (ou pepo pour melon). Cependant, les données historiques sur les débuts de sa culture sont fragmentaires. Quelques traces et représentations éclairent sur sa présence en Normandie.

À Lisieux, Claude Lemaître, spécialiste des céramiques du Pays d’Auge, avait recueilli un épi de faîtage couvrant un manoir du XVIIe siècle et représentant un melon de forme comparable au melon de Honfleur.

Dans un autre manoir proche de Lisieux, les portes de la salle sont surmontées  d’une imposte représentant, chaque fois au milieu d’autres fruits, un melon de Honfleur. Décors datés de la fin du XVIIIsiècle. 

Cliché Jean Bergeret, revue Le Pays d’Auge.
Cliché Jean Bergeret, revue le Pays d'Auge

 

« 1769-1784. […] Avis d’expédition de fournitures, notamment de melons de Honfleur. » Fonds de l’intendance de la Généralité de Rouen et de ses subdélégations, C.1080.

« L’article de M. Montaigu est trop long pour être rapporté ici, et une analyse ne le ferait pas assez connaître. Nous dirons donc seulement qu’à [ …] Honfleur […] on y voit souvent des melons de 30 livres et plus; qu’à Lisieux on plante chaque année de 50 à 60 mille pieds de melons, qui produisent de 100 à 120 mille fruits; qu’à Honfleur chaque pied de melon rapporte 12 à 15 francs dans les bonnes années. »
Bulletin des sciences agricoles et économiques, Vol. 14, 1830, p. 167.

Vente de melons, marché de Lisieux, carte postale vers 1910

« Culture des melons à Honfleur.
La culture des melons n’est pas toujours chose facile à exécuter, et tous les propriétaires de jardins, quelle qu’en soit l’étendue, veulent à tout prix, et avec grande dépense de peine et d’argent, avoir des melons bons à manger, pour en offrir au besoin à leurs amis. On conçoit aisément qu’il doit en être ainsi d’un fruit qui offre, pendant tout l’été, un met rafraîchissant et agréable au goût, surtout quand on réussit aussi bien dans ce genre de culture qu’on le fait dans quelques localités, comme Honfleur, Pont-Audemer, etc., où elle se pratique en grand, et est l’objet d’un commerce considérable avec la France et l’Angleterre. […] Le véritable melon de Honfleur est à chair rouge, brodé, allongé et à côtes. Les jardiniers de Honfleur ont depuis quelque temps abandonné cette première espèce pour donner la préférence à un melon qui a les mêmes caractères. Cette variété, qui produit beaucoup plus l’autre, est un peu plus arrondie. On s’accorde à reconnaître que M. Thierry est le plus fort jardinier de Honfleur : il a jusqu’à 500 cloches tous les ans. Les melons de Honfleur sont vendus pour Caen, Rouen, le Havre et Paris. »
L’Agriculteur praticien ou Revue progressive d’agriculture, de jardinage, d’économie rurale et domestique, 1844,      p. 180-181.

« Examinons avec un soin particulier, tout près de l’embouchure de la Seine les cultures jardinières des environs de Honfleur ; voici une culture que nous rencontrons pour la première fois ; ce sont des melonières de plusieurs hectares, en pleine terre. Goûtons au hasard un de ces cantaloups ; nous le trouvons peu inférieur aux produits de la culture savante des maraîchers parisiens. Nous apprécions ce qu’il faut de soin et de travail pour arriver à ce résultat sous ce ciel brumeux, sous ce climat océanique, sur cette terre où le fruit de la vigne refuse de mûrir. Le prix élevé de toutes les denrées en Angleterre permet aux melons de Honfleur de paraître avec avantage sur les marchés de l’autre côté de la Manche, en dépit des frais de transport et des droits d’entrée qu’ils ont à supporter. Grâce à ce débouché, la culture du melon en pleine terre se soutient et même s’étend aux environs de Honfleur, surtout depuis que le calicot remplace le verre pour les abris indispensables au jeune plant de melon. »
Maison rustique du 19e s, Encyclopédie d’agriculture pratique, Tome V, Horticulture, Paris, 1844, p. 423.

La Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe vote une somme de soixante francs pour achat de graines potagères qui seront distribuées aux jardiniers maraîchers du Mans et de la banlieue. Parmi ces graines achetées à la maison Vilmorin, on trouve quatre paquets de melon de Honfleur.
Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, Le Mans, 1852, p. 27.

Dans sa séance du 10 mars 1863, le comité de culture maraîchère de la Société d’horticulture de la Haute-Garonne reprend dans son ordre du jour la culture du melon.
« Quant aux Melons, dont des graines furent données au comité en 1857, l’absence d’une partie des horticulteurs ou des amateurs auxquels ces graines furent distribuées prive le
comité de renseignements sur plusieurs d’entre eux. Cependant, des indications peuvent être fournies sur un certain nombre par quelques membres du comité, et il importe de consigner ici les résultats des essais qui ont été faits.
Le Melon de Honfleur a été cultivé par M. Vidal; il est gros, mais peu productif, facile à pourrir et d’un goût médiocre. »
Annales de la Société d’horticulture de la Haute-Garonne, Toulouse, 1863, p. 233.

« Aux environs de Honfleur, près de Ficquefleur il existe une assemblée dite de la Saint-Gorgon que l’on désigne sous le nom de « Foire aux melons«  et qui se tient en septembre. » « L’Echo Honfleurais du 2 mars 1910 évoque les foires de Guibray (Falaise) où le melon de Honfleur était présent et précise : « La place Saint-Gervais ressemble à un arsenal : les melons guerriers y sont rangés en ordre et chaque marchand en dispose de plus de 5 à 600. On voit alors les visiteurs retourner à leur maison et porter le fruit sous leur bras. »
Françoise Lecoq, « Le melon de Honfleur », Bulletin de la société des marins de Honfleur, mai 1999, p. 48.

Le melon est à maturité début septembre. Il est alors vendu sur les marchés et expédié vers Paris : « On amenait les melons sur de la paille dans les charrettes jusqu’à la gare de Saint-Martin-de-Bienfaite. » Enquête pour exposition « À la fortune du pot », Espace culturel Les Dominicaines, Pont-L’Évêque, 2000. De là, ils partent pour Lisieux pour être ensuite expédiés vers les marchés parisiens. 

La foire des melons de la Saint-Gorgon avait lieu le dimanche le plus près du 9 septembre à Saint-Julien-de-Mailloc (14) : « Ce jour-là, de grand matin, les charrettes arrivent chargées de melons calés sur de la paille pour qu’ils ne se choquent pas. On les étale sur l’herbe dans le champ en contrebas de la chapelle. On s’acquitte d’un droit de place de 25 centimes. Chaque producteur trône au milieu de ses melons disposés parmi des feuillages. À Saint-Julien-de-Mailloc, les melons s’étalent par tonnes ! » « C’était aussi une fête foraine : il y avait des jeux. Un grand jeu de quilles en bois. Il fallait requiller les quilles pour se faire des sous. Il y avait plein de melons. Les melons sucrins d’Honfleur peuvent peser jusqu’à 10 livres. Même aussi gros, ils sont savoureux et sucrés. »
Enquête Mme Perreaud, 2010.  

Affiche Foire Saint-Gorgon, Saint-Julien-de-Mailloc (14), 1836, Archives départementales du Calvados

Dans un catalogue des végétaux cultivés à la pépinière du gouvernement à Alger, on trouve à la suite des melons cantaloups les melons suivants :
« MELON 1 brodé, à chair rouge. 2 de Cavaillon. 3 de Malte ou des Bédouins. 4 à chair blanche, écorce jaune. 5 moscatello de Loisel. 6 de Honfleur. 7 blanc de Dolo. 8 vert d’Espagne, chair blanche. 9 sucrin de Tours. 10 d’Archangel. 11 de Cassabar. 12 d’Égypte. 13 de Cincinnati. 14 de Coulommiers. 15 brodé de Ténériffe. 16 alongé de Virginie, ou ananas d’Amérique. 17 chaté. »
Auguste Hardy, Catalogue des végétaux cultivés à la pépinière centrale du gouvernement à Alger, Imprimerie du Gouvernement, Alger, 1850, p. 63. 

Catalogue des végétaux du gouvernement d'Alger, 1850