Grandes cultures du ‘Flageolet à feuilles d’ortie’

Le haricot nain ‘Flageolet à feuilles d’ortie’ a été redécouvert à Bernay (27) en 1998 par l’association Montviette Nature dans le cadre de ses recherches sur les variétés normandes menées depuis 1990.
En Normandie, cette variété  figurait au catalogue André Heusse, successeur Maison Bassière, Lisieux, 1937 ;  au catalogue Aimé Lenormand, Caen, 1901 et 1909, sous le nom de ‘Flageolet blanc à feuille d’ortie ou gaufrée′ et au catalogue R. Guesdon, successeur Maison Bazin Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925.

‘Flageolet nain à feuilles d’ortie’
C’est une variété qui se distingue par ses feuilles sombres gaufrées.
Catalogue Denaiffe : ‘Flageolet nain à feuilles gaufrées’ ou haricot ‘Ducrot’ : « recommandable surtout pour la culture sous châssis ; variété hâtive très productive. » Catalogue Denaiffe C. et Fils, 1897 consulté sur : https://archive.org/details/denaiffe-c-1897.
Décrit par Vilmorin-Andrieux (extraits) :
« Haricot nain, rustique, hâtif, productif, très facile à reconnaître à ses feuilles petites d’un vert foncé presque noir et finement cloquées sur toute leur surface. […] Son principal avantage est d’être plus résistante aux maladies et aux intempéries …»  Vilmorin-Andrieux, Les plantes potagères, 1891, p. 286. (Coll. Montviette Nature)

Louviers, terre de semences ?

De récentes découvertes, menées par Pierre de Montviette Nature, attestent de la culture de sa semence par le cultivateur-grainier Gabriel Portois à Louviers (27).

Gabriel Portois  adressait des cartes postales publicitaires à ses clients pour faire la promotion de ses semences.

Gabriel Portois, Grandes cultures de haricots (coll. Montviette Nature)

La première carte postale présente une immense parcelle du « Feuille-Ortie améliorée », estimée à une surface d’au moins quatre hectares sur la commune de La Haye-Le-Comte (27).

Carte postale expédiée le 26 novembre 1906 (coll. Montviette Nature)

Cette deuxième carte postale montre l’arrachage des haricots à la fin de l’été. Dix femmes en ligne s’activent à l’arrachage et à la mise en bottes des pieds de haricots. Les hommes chargent les bottes sur un chartil tiré par un cheval de trait. Carte postale avant 1910 (Coll. Montviette Nature)

Eugène Gabriel Portois (1861-1932)

Eugène Gabriel Portois, fils de cultivateur, est né le 16 juillet 1861 à Écaquelon (27), il se fera appeler « Gabriel » durant toute sa carrière. Fils de Jules Eugène Portois (1828) et de Joséphine Justine Bocquet (1836), il ne se marie pas et n’aura pas de descendants.
En 1891, Gabriel s’installe au 71, rue du Neubourg à Louviers puis il occupe les numéros 65, 67 et 69 de la même rue où il commercialise  ses semences, grains et pailles. Il occupe le logement avec une amie Alphonsine Auvage. Elle sera à ses côtés tout au long de sa carrière.
Le 19 juin 1906, la médaille de Chevalier de l’Ordre du Mérite agricole lui est décernée pour ses 20 ans de pratique, médaille conservée par la famille. La même année il reçoit une récompense pour sa « culture de légumes secs et ses expériences nombreuses pour la sélection et la propagation des meilleures espèces de graines ».  Recherches menées par Claude Cornu et Jacques Normand, administrateurs de la SED, Société des Etudes Diverses de Louviers. Lire aussi Ferme, manoirs et colombiers du Pays de Louviers, éditions Société des Etudes Diverses de  Louviers et sa région, 2008.

Une dernière carte postale, adressée à la maison Bazin Guesdon de Sourdeval-La-Barre (50) montre une parcelle de surface presque équivalente d’une autre variété de haricot : ‘L’Inépuisable’. « Très différent de tous les flageolets nains, ce haricot se distingue à première vue par le développement tout particulier de ses fortes grappes florales qui s’élèvent à 0m25 au dessus du feuillage, alors que celui-ci ne dépasse pas 0m30. Les tiges sont vertes, les feuilles petites cloquées, vert franc. – Les cosses, vertes, plates, longues de 0m14, contiennent cinq grains […] Cette variété offre l’avantage très appréciable d’échelonner son abondante production sur une période de plusieurs semaines. Les fleurs abondantes, qui lui donnent une apparence très caractéristique, ne produisent de fruits qu’autant  que les filets sont cueillis au fur et à mesure de leur formation. »  Vilmorin-Andrieux, Les plantes potagères, 1891, p. 286. (Coll. Montviette Nature) Cette variété est désormais recherchée.

En 1924, Gabriel Portois a quitté son établissement de la rue du Neubourg pour la rue Hayes-Mélines. Il décède en juin 1932.

A gauche le magasin au 65, 67 et 69 rue du Neubourg

‘Flageolet à feuilles d’ortie’ conservé et diffusé

Cette variété exceptionnellement hâtive et facile à produire a été remise en culture. Elle est  présentée au public  dans les « jardins vitrines » du lycée de Chambray (27), au Potager de Beaumesnil (27) et au Jardin Conservatoire du Pays d’Auge à Saint-Pierre-sur-Dives (14), jardins labellisés par la Région Normandie.

Documents

La ferme. Gabriel est à gauche. (Image SED)
Facture (Coll. SED Louviers)