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Les prés baignants de l’Orbiquet

En Normandie dans la vallée de l’Orbiquet,  dès le XVe siècle, les éleveurs ont tenté de produire davantage d’herbe et de foin et, pour ce faire, ils ont inventé un système ingénieux de baignage des parcelles.

Un pré baignant, dessin montage Vincent Ladune et Quentin Dorléans
Une rivière riche en sédiments

En amont de sa source, l’Orbiquet est une rivière souterraine. Dans sa course, elle arrache des sédiments aux roches qu’elle traverse. Ce qui en fait une rivière exceptionnellement riche en minéraux que les éleveurs ont su très tôt utiliser dans leurs prairies.

La technique du baignage

On installe un barrage sur le lit de la rivière et on dévie une partie du cours d’eau sur les prairies en contrebas par un ingénieux système de vannes et de rigoles.  « Un vannage en bois barre le cours du ruisseau et fait monter le niveau de l’eau. Le vannage gonfle un porteur. C’est un fossé d’environ 60 cm de large, en creux par rapport au terrain. Il emmène l’eau sur les parcelles. Le porteur doit être plus haut que le ruisseau, car il faut que l’eau revienne au ruisseau. Du porteur, on faisait sept, huit saignées qui partaient un peu en biais pour prendre la flotte. Tous les deux, trois mètres, on laissait une tanque, une levée de gazon pour que l’eau ne revienne pas. On baignait presque toute l’année, en dehors des récoltes. On mettait à l’herbe les bestiaux vers le 3-4 avril. On les faisait pâturer cinq fois dans l’année et on faisait une coupe de foin. Mais fallait pas qu’ils couchent dedans la nuit. »

Partager l’eau

Le partage de l’eau est acté devant notaire entre les propriétaires et les locataires,  et après consultation d’un expert en hydraulique qui établit un plan d’irrigation. Le règlement d’eau fixe précisément les jours, heures et hauteurs de chacune des vannes à manœuvrer. « On avait une convention de baignage. Je tournais l’eau tous les deux, trois jours. On était quatre propriétaires. Les tours étaient calculés en fonction de la surface. Pour 20 ares, c’était deux jours de baignage. On levait la vanne deux, trois coups dans la journée. La manivelle était cachée dans un têtard. On changeait l’eau tous les deux jours. Et on ne baignait que quatre ou cinq saignées par coup. Tous les dix jours, on revenait au point de départ. »

Plan M. d'Hacqueville
Plan Peulvey
Couteau double
Plan Chaumont Quitry
Les rigoleux 

Michel et Francis racontent : « Les rigoles ou les saignées, il fallait les refaire tous les ans. On avait des couteaux doubles, des simples et des bêches de baignage. Les couteaux simples pour les porteurs. Les doubles, c’est pour les rigoles. On les refaisait l’hiver et, au 15-20 décembre, on rebaignait.
La bêche de baignage doit avoir quatre doigts de large. Elle est affûtée à la meule. On foule d’abord sur le talon et parfois on foule dessus. Le manche du couteau est en néflier. »

Les gestes du rigoleux
Foins au bord de l'Orbiquet vers 1900
Bêche de baignage
Le Baignage : porteurs et saignées
Pour en savoir plus

Au départ de Saint-Julien-de-Mailloc, suivre le parcours des boucles de l’Orbiquet. Lire les articles de la revue Le Pays d’Auge.

Oratoires fleuris

Parfois au détour d’un chemin, dans une haie, appuyé à un arbre ou niché dans un mur, apparaît un oratoire à la Vierge que des inconnus sont venus humblement  fleurir…

En Pays d’Auge les oratoires à la Vierge sont nombreux. On en dénombre à ce jour 250 édifiés à la fin du XIXe et au cours du XXe siècle.  Les origines en sont parfois perdues dans la mémoire. Certains  ont été édifiés  pour honorer Notre-Dame-de-Lourdes, d’autres pour remercier d’avoir été épargnés par la guerre de 1870, pour le retour d’un fils de la guerre 1914-1918, pour la guérison d’un proche comme à Fontaine-la-Louvet en 1924.

Discrètement fleuris

Lors de leur érection ou de la bénédiction, l’enclos a été planté des fleurs ou d’arbustes à la mode du moment : roses, yuccas, lys, buis… Régulièrement, ils sont discrètement fleuris : de petits bouquets sont déposés chaque semaine au pied de l’édifice. Des potées y sont apportées et entretenues.

À Tortisambert, la Vierge de Lourdes a été bénie le 15 septembre 1879. La grotte a été construite par le maçon du village aidé des frères Jacquier de Caen. Depuis, à son pied fleurissent des « lys jaunes » ou hémérocalles, des roses,  des « gants à la Vierge » ou ancolies et un élégant feuillage appelé le « ruban à la Vierge »…

À Canapville (61), l’imposant monument de la Vierge aux anges est fleuri d’anémones du Japon. Au pied de la grotte, à Fontaine-la-Louvet, le rosier ‘Dorothy Perkins’ éclôt  pour la procession du 15 août que la famille continue d’organiser depuis 1923.

Une jonchée de roseaux

À Saint-Georges-en-Auge, lors de la bénédiction de Notre-Dame-de-la-Paix, offerte par les réfugiés et les habitants du hameau épargné par les bombardements du 20 août 1944, une jonchée de roseaux avait été étalée sur le sol et un arc fleuri entourait la statue.

Saint-Georges-en-Auge, septembre 1945

Pour en savoir plus, lire Marie sur les chemins, oratoires à la Vierge en Pays d’Auge,  Le Pays d’Auge, 2015.