Faire ses haies, c’est saper le talus, élaguer, faire des fagots après avoir tondu la haie, et la réparer. Des travaux qui commencent après les foins et qui duraient jusqu’à la fin de l’hiver… (Outils de la collection d’Emmanuel de Montviette Nature et du château de Crèvecœur) (14)
Saper le talus
Le talus est d’abord coupé à la sape (petite faux ou faucille). L’herbe est redressée à l’aide du fourchet (petit fourche en bois de noisetier).
« Sur le bord des routes, avec la sape, une faucille. On râtelait au râteau ou avec la fourche. » Montviette (14)
« Pour les fossés, c’étaient les sapes, les faucilles, pour couper l’herbe. Et un fourchet long comme ça, 60 cm, qui servait à maintenir l’herbe qu’on coupait. C’était un travail spécial au Pays d’Auge. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
Élaguer la haie
« Les haies sont faites tous les ans au mois de septembre. » Montviette (14)
On élague à l’intérieur du champ mais aussi à l’extérieur si la haie borde un chemin.
On utilise la sape puis « le croissant pour élaguer haut sur le bord des routes ». Montviette (14) Le croissant est un outil à long manche. Si le chemin est très emprunté, on élague « à vue de ciel pour que le chemin soit bien ensoleillé ».
Chaque après-midi, Simone vient râteler les élagures. Elle en fait de petits tas que l’on viendra charrier quelques jours plus tard avec la jument et la gribane. On en fait des charretées que l’on vide pour recharger les garennes (tas de bois qui abritent les lapins de garenne).
Tailler la haie d’épine
Près de la maison d’habitation, le long de la route, la haie d’épine est menée en haie basse. On la taille de chaque côté et sur le dessus « aux forces ». Cette taille demande davantage de temps. « Il faisait ses haies au cordeau, taillées aux forces. Même avec l’élagueuse, il repassait derrière avec les forces. » Tordouet (14)
Tous ces outils doivent être très tranchants. On les aiguise sur une meule en grès, ou mieux encore, on les « bat » sur une petite enclume avec un marteau arrondi. « Quand j’étais enfant, le soir j’aidais mon grand-père en tenant le manche du croissant tandis qu’il le battait assis dans l’herbe de la cour de maison. » Manerbe (14)
Tondre la haie
Selon les baux ruraux, les haies sont tondues à la serpe tous les six ans. Ce dur travail s’effectue en hiver en sève descendante afin que les têtards « repartent » au printemps suivant à partir de bourgeons dormants. Sur les gros têtards, un homme pouvait se tenir debout et couper les branches à la hache. « Pour midi, il y avait de l’ouvrage de faite. » Le Pin (14)
Une fois au sol, les branches sont ébranchées. « J’aimais ébranquer », raconte Jeanne. Asnières (27)
Piquets et bois de chauffage
Les branches d’acacia, de châtaignier ou de chêne permettent de réaliser les piquets de clôture. Le reste est destiné au bois de chauffage. On scie en bouts de un mètre et on fend le plus gros en enfonçant des coins de fer sur lesquels on tape avec le « maillot » (gros maillet en bois débité dans une tête d’orme noueuse) ou avec le merlin. Une fois les terres ressuyées, on charrie le bois et on l’empile dans la cour de maison, sous une haie à l’abri de la pluie. Il va sécher au moins deux ans avant d’être brûlé dans la cheminée ou scié pour alimenter le fourneau de la cuisine.
Faire des fagots
Avec le reste des branches et du menu bois, on fait des fagots. On se sert du métier à fagots.
Certains ouvriers effectuaient ce travail « à la loue », c’est-à-dire payé à l’unité.
« Pour faire les harts, en général, c’était la coude (noisetier). Mais aussi avec les repousses de chêne. Le père Couraye, il avait le coup : il en faisait en moins de deux pour lier les fagots. Ça se fait quand la sève marche. En mars, avril, ça se tordait mieux. On fait à mesure, en général, c’était solide. Ça ne coûtait pas cher, mais c’était moins rapide que le fil de fer. C’était surtout pour faire des bourrées au pied. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
« Un fagot bien fait doit passer dans un sac à pommes. » Grandmesnil (14) Il pèse au moins 25 kg.
Réparer la haie
« Quand on coupait une haie, il ne restait pas beaucoup de bois, car on l’employait pour refaire les clôtures. Même l’épine, on la remettait dans le trou pour reboucher. »
« J’ai réparé, en couchant des branches en travers et on les resserrait avec la presse à haie. » Montviette (14)
On « reclôt » ou on répare les trous dans la haie avec du bois appointi à la serpe, planté debout, les « affiches », des branches horizontales et du menu bois que l’on serre avec des liens de saule, la « liure ». « Normalement, c’était du bois debout, le bois de la haie qui était là. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
« On reclosait en remettant un gros piquet. Et avec la liure on refaisait la haie. La liure, de grandes branches de saule de chaque côté, c’était souple. On [utilisait] un petit bout de bois pour passer le fil de fer de l’autre côté. L’autre tirait le fil. On tirait en mettant un pied sur la liure. Il ne fallait pas que le fil de fer casse, sinon on partait à la renverse. Mise à hauteur à un mètre. On serrait les affiches, ça closait bien. Les fameuses affiches, on les fendait en deux avec le fauchet (serpe) quand c’était du bois qui se fendait bien. Quand il y avait de l’orme, ça se fendait bien. Les affiches tous les 20-30 cm pour faire coller [tenir] le menu bois mis en arrière. C’était bien quand c’était bien clos. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
Voir aussi la page « La haie morte »