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« Faire les haies : on y passait des semaines. »

Faire ses haies, c’est saper le talus, élaguer, faire des fagots après avoir tondu la haie, et la réparer. Des travaux qui commencent après les foins et qui duraient jusqu’à la fin de l’hiver… (Outils de la collection d’Emmanuel de Montviette Nature et du château de Crèvecœur) (14)

Saper le talus

Le talus est d’abord coupé à la sape (petite faux ou faucille). L’herbe est redressée à l’aide du fourchet (petit fourche en bois de noisetier).
« Sur le bord des routes, avec la sape, une faucille. On râtelait au râteau ou avec la fourche. » Montviette (14)
« Pour les fossés, c’étaient les sapes, les faucilles, pour couper l’herbe. Et un fourchet long comme ça, 60 cm, qui servait à maintenir l’herbe qu’on coupait. C’était un travail spécial au Pays d’Auge. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)

Sape
Sape ou faucille et fourchet en noisetier
Élaguer la haie 

« Les haies sont faites tous les ans au mois de septembre. » Montviette (14)
On élague à l’intérieur du champ mais aussi à l’extérieur si la haie borde un chemin.
On utilise la sape puis « le croissant pour élaguer haut sur le bord des routes ». Montviette (14) Le croissant est un outil à long manche. Si le chemin est très emprunté, on élague « à vue de ciel pour que le chemin soit bien ensoleillé ».
Chaque après-midi, Simone vient râteler les élagures. Elle en fait de petits tas que l’on viendra charrier quelques jours plus tard avec la jument et la gribane. On en fait des       charretées que l’on vide pour recharger les garennes (tas de bois qui abritent les lapins de garenne). 

Le croissant avec son long manche
Tailler la haie d’épine  
Une haie d'épine

Près de la maison d’habitation, le long de la route, la haie d’épine est menée en haie basse. On la taille de chaque côté et sur le dessus « aux forces ». Cette taille demande davantage de temps.  « Il faisait ses haies au cordeau, taillées aux forces. Même avec l’élagueuse, il repassait derrière avec les forces. » Tordouet (14) 

Forces ou cisailles

Tous ces outils doivent être très tranchants. On les aiguise sur une meule en grès, ou mieux encore, on les « bat » sur une petite enclume avec un marteau arrondi. « Quand j’étais enfant, le soir j’aidais mon grand-père en tenant le manche du croissant tandis qu’il le battait assis dans l’herbe de la cour de maison. » Manerbe (14) 

Enclume et marteau pour battre la faucille
Tondre la haie  

Selon les baux ruraux, les haies sont tondues à la serpe tous les six ans. Ce dur travail s’effectue en hiver en sève descendante afin que les têtards « repartent » au printemps suivant à partir de bourgeons dormants. Sur les gros têtards, un homme pouvait se tenir debout et couper les branches à la hache. « Pour midi, il y avait de l’ouvrage de faite. » Le Pin (14)
Une fois au sol, les branches sont ébranchées. « J’aimais ébranquer », raconte Jeanne. Asnières (27) 

Serpe ou faucillon

Piquets et bois de chauffage 

Les branches d’acacia, de châtaignier ou de chêne permettent de réaliser les piquets de clôture. Le reste est destiné au bois de chauffage. On scie en bouts de un mètre et on fend le plus gros en enfonçant des coins de fer sur lesquels on tape avec le « maillot » (gros maillet en bois débité dans une tête d’orme noueuse) ou avec le merlin. Une fois les terres ressuyées, on charrie le bois et on l’empile dans la cour de maison, sous une haie à l’abri de la pluie. Il va sécher au moins deux ans avant d’être brûlé dans la cheminée ou scié pour alimenter le fourneau de la cuisine.

Tondre le têtard et faire son bois de chauffage

Faire des fagots

Avec le reste des branches et du menu bois, on fait des fagots. On se sert du métier à           fagots.
Certains ouvriers effectuaient ce travail « à la loue », c’est-à-dire payé à l’unité.
« Pour faire les harts, en général, c’était la coude (noisetier). Mais aussi avec les repousses de chêne. Le père Couraye, il avait le coup : il en faisait en moins de deux pour lier les fagots. Ça se fait quand la sève marche. En mars, avril, ça se tordait mieux. On fait à mesure, en général, c’était solide. Ça ne coûtait pas cher, mais c’était moins rapide que le fil de fer. C’était surtout pour faire des bourrées au pied. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
« Un fagot bien fait doit passer dans un sac à pommes. » Grandmesnil (14) Il pèse au moins        25 kg.

Métier à fagots
Fil de fer recuit pour lier les fagots
Réparer la haie 

« Quand on coupait une haie, il ne restait pas beaucoup de bois, car on l’employait pour refaire les clôtures. Même l’épine, on la remettait dans le trou pour reboucher. »
« J’ai réparé, en couchant des branches en travers et on les resserrait avec la presse à haie. » Montviette (14)
On « reclôt » ou on répare les trous dans la haie avec du bois appointi à la serpe, planté debout, les « affiches », des branches horizontales et du menu bois que l’on serre avec des liens de saule, la  « liure ». « Normalement, c’était du bois debout, le bois de la haie qui était là. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
« On reclosait en remettant un gros piquet. Et avec la liure on refaisait la haie. La liure, de grandes branches de saule de chaque côté, c’était souple. On [utilisait] un petit bout de bois pour passer le fil de fer de l’autre côté. L’autre tirait le fil. On tirait en mettant un pied sur la liure. Il ne fallait pas que le fil de fer casse, sinon on partait à la renverse. Mise à hauteur à un mètre. On serrait les affiches, ça closait bien. Les fameuses affiches, on les fendait en deux avec le fauchet (serpe) quand c’était du bois qui se fendait bien. Quand il y avait de l’orme, ça se fendait bien. Les affiches tous les 20-30 cm pour faire coller [tenir] le menu bois mis en arrière. C’était bien quand c’était bien clos. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)

Voir aussi la page « La haie morte »

Serre-haie, presse-haie ou pince à raffiquer la haie
Serre-haie
Le hart ou lien en noisetier

Dans la mare

« J’aurais jamais cru qu’il y avait autant de bestioles là-dessous. » Renée

Mai 1998, Montviette, sortie « Les petites bêtes de la mare » : une vingtaine de participants découvrent dans le filet troubleau du naturaliste Loïc Chéreau nombre d’amphibiens, insectes aquatiques et mollusques… Renée, quatre-vingts ans, agricultrice, croyait bien connaître les habitants de la mare. Elle fut alors surprise… 

Sortie découverte de la mare, Montviette

À l’occasion des enquêtes menées par Montviette Nature depuis 1990, de précieux témoignages ont été collectés.

Une mare aux sangsues
Extrait ordonnancier de la pharmacie de Livarot, 1896, coll. Montviette Nature

Dans les ordonnanciers (collection Montviette Nature) des docteur Louis-Désiré Lescène (1866-1933) puis Marcel Lescène (1892-1956), pharmaciens à Livarot (14), il est fréquemment prescrit l’emploi de sangsues. André, Madeleine, Jean, Marguerite, Andrée, Mauricette, se souviennent : 

« Mon père en a eu une congestion. Le médecin lui a prescrit des sangsues. On les posait derrière l’oreille. Et quand les sangsues étaient pleines de sang, on les mettait dans la cendre pour les faire dégorger. » Montviette (14)
« Ma mère a été en chercher chez le pharmacien à l’angle de la rue du Bosq à Saint-Pierre. Après on les a remises dans la mare, mais on ne les a pas retrouvées. » Vieux-Pont-en-Auge (14)
« On avait une cousine à la maison qui a fait une manière de congestion. Le médecin a dit de prendre deux sangsues à la pharmacie : ça se met derrière l’oreille. » Montviette (14) 

Sangsue

« Les médecins faisaient ramasser les sangsues sur les mares. » Toutainville (27)
« À Lisores (14), il y en avait dans une mare. Certains venaient en chercher pour en remettre dans un autre étang. Les gens en recherchaient. »
« Les gens les ramassaient et les mettaient en réserve d’eau. Quand les gens avaient une congestion, on leur mettait des sangsues. » Grandmesnil (14)
« À Montpinçon et à Tortisambert (14), il y avait une mare aux sangsues où on attrapait les sangsues en attachant un « cheval fini », un vieux cheval, toute la journée les pattes dans l’eau. Le soir, son maître le sortait et ramassait les sangsues accrochées et les portait chez le pharmacien. » André

La salamandre  

Aux abords des bois, les petites mares sont fréquentées par la salamandre. 

Salamandre, bois de Montpinçon (14)
Larve de salamandre

« On la voit au bord de l’eau et dans les fossés. Il y a une mare sous l’étable, il y a une source. On allait y chercher l’eau. » La Croupte (14) 

Grenouilles  

Les grenouilles chantent les soirs de printemps et d’été aux abords des mares.

Montviette (14), fête de la Saint-Jean (24 juin) vers 1930 : « On faisait une course à la brouette avec des grenouilles. Il ne faut pas qu’elles sautent de la brouette. » André
« Pour les attraper, on se servait d’une branche de noisetier et de pétales d’œillet rouge au bout d’une ligne. » Raymond 

Rainette verte, Hyla arborea

« Ça monte dans les pommiers. » Montviette (14)
« Elles font du bruit quand il est pour venir de l’orage. » Grandmesnil (14)
« Les grenouilles et les crapauds, ça mange les limaces. » Saint-Pierre-de Mailloc (14) 

Quand on curait… 

Le curage des mares se fait à la fin de l’été, en corvées, avec l’aide des voisins. La vase est mise en tas à égoutter durant huit à quinze jours. Elle est ensuite épandue sur les prés à faucher. « Celui qui avait assez de vase avait de l’herbe pour deux à trois ans. » 

« Dans la vase de l’étang, les pêcheurs venaient chercher des vers, des vers rouges. »
« La vase était mise sur le bord. Il y avait un étang près du pont. Quand on curait l’étang près du pont, on levait les anguilles à la pelle. Les truites, on n’en prenait pas beaucoup. Il y avait pas mal de gros cailloux dans le fond du ruisseau et dessous des écrevisses. On s’amusait surtout avec. Ça pince quand tu les prends mal. Il y avait aussi des vairons, par bancs. On les prenait dans une bouteille. » Montviette (14)
« Le sang de l’anguille est acide si on a une coupure à la main. Il faut mettre du plantain qu’on appelle « oreille de lièvre », l’écraser entre les doigts. »
« Les porte-bois dans la rivière ou les mares. Il fallait casser l’écorce et sortir la larve : c’est un appât et on en met un ou deux pour pêcher la truite. » Thiéville (14)
« C’est comme les vers de terreau. C’est toujours des vers rouges dans le compost. Des rouges et ceux qui avaient la tête noire : c’est les meilleurs pour la pêche. » Thiéville (14) 

Préserver les mares et leur faune
Renoncule aquatique, mare Montviette

Dès avril, les abords et le fond des mares se couvrent d’une végétation diversifiée : plantain d’eau, potamot flottant, renoncules aquatiques et joncs divers. 

De 1996 à 2000, dix mares de la commune de Montviette (14) ont été retenues pour participer au Programme national de recherche sur les zones humides. Un collectif de scientifiques a encadré l’équipe de l’association Montviette Nature pour y mener des inventaires approfondis. Ce sont les mares qui jalonnent le plateau, celles qui sèchent parfois en été et prennent ces teintes vertes peu engageantes, qui abritent la faune la plus riche. Dytiques, nèpes, notonectes, ranatre, libellules, grenouilles vertes et rousses, tritons, crapauds, s’y       reproduisent. Couleuvres à collier et poules d’eau viennent s’y nourrir. La plupart sont des      espèces fragiles. 

Dytique bordé, Dyticus marginalis
Larve de dytique bordé
Népe cendrée, Nepa cinerea

« La couleuvre va à l’eau ; elle nage la tête sortie de l’eau. Elle niche dans la rive. » Toutainville (27)
« Ma grand-mère croyait que l’arc-en-ciel pouvait vider l’eau d’une mare au profit de la sienne. » Saint-Georges-en-Auge (14) 

Petits mammifères à la trace

Le rat d’or et le rat des moissons

Dans les haies, les jardins, sous terre ou dans les airs, on peut essayer de reconnaître les petits mammifères qui occupent le territoire et d’en identifier les traces : hérisson, écureuil, mulot, campagnol, fouine, martre, taupe, chauve-souris, pour les plus faciles à déterminer.
Mais qui a déjà croisé la trace du rat d’or et celle du petit rat des moissons ? 

Le rat d’or 

« Le muscardin, je l’ai encore vu voilà une dizaine d’années dans le bois [vers 2005]. C’est pas un mulot, c’est comme un petit écureuil. C’est gros comme mon pouce. Dans une épine, ils étaient deux ou trois dans le nid. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14) 

Nid du muscardin, lisière de bois, photo Montviette Nature, 1993

Roger Brun, naturaliste normand (1906-1980), a publié en 1953 et 1954 des articles sur la faune du Pays d’Auge dans la revue Le Pays d’Auge. Il prospecte en Normandie pour collecter les animaux les plus rares. Michel, ami de Maurice, le fils de Roger Brun, raconte : « Il cherchait aussi le muscardin. On le voit encore de temps en temps. Mon père en avait trouvé un couple dans les bois. Il leur avait fait une cage. Il les nourrissait avec des fraises du jardin. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
« Le loir muscardin (myoxus avellanarius L.), de la taille d’une souris, a une fourrure d’un magnifique jaunâtre doré. C’est pour la faune française, une espèce presque spécifiquement normande, moins répandue que le lérot, bien qu’existant dans notre Pays d’Auge ; il est aussi beaucoup moins nuisible, ayant comme l’écureuil une préférence pour les fruits secs forestiers, noisettes en particulier (d’où son nom latin). » Roger Brun, « Faune du Pays d’Auge », Le Pays d’Auge, septembre 1953, p. 8. 

Muscardin dans une épine. Photo Gérard Bertran

« Le muscardin (Muscardinus avellanarius) fait partie de la famille des gliridés tout comme ses cousins le loir et le lérot. De petite taille (6,5 à 8,5 cm), il est roux doré d’où son autre surnom le « rat d’or ». Il est plus clair sur le ventre et le menton, ses oreilles sont petites arrondies et peu poilues mais apparentes. Sa queue équivaut à la taille de son corps, elle est touffue sur toute sa longueur et présente la particularité de pouvoir se sectionner si un prédateur la saisit, lui laissant un fourreau poilu et vide en guise de repas. Sa queue contrairement à celle des batraciens ne repousse pas.
Il a également de grands yeux noirs globuleux et de longues vibrisses qui le rendent particulièrement adapté à la vie nocturne. Son poids varie entre vingt et quarante grammes suivant la période de l’année.

Il est particulièrement adapté à la vie arboricole, ses pattes sont pourvues de longs doigts préhensiles, de coussinets plantaires bien développés sur les pieds et d’articulations pouvant pivoter latéralement à angle droit. Cela lui permet de grimper jusqu’au sommet des branches les plus hautes ou de s’avancer jusqu’à l’extrémité des rameaux.
Ce rongeur est typiquement forestier et il évolue, essentiellement, dans les arbres et les arbustes de petite taille, avec une préférence pour les milieux assez ensoleillés, comme les haies, les lisières forestières, les clairières, les coupes forestières récentes, les taillis et broussailles. » Voir l’article complet : Loïc Nicolle, « La haie et la biodiversité », Le Pays d’Auge, septembre-octobre 2022, p. 28-33.

Noisette rongée par le muscardin, photo Loïc Nicolle, naturaliste
Chercher le rat des moissons

Rarement observé par les amateurs, le rat des moissons fait l’objet de recherches et de comptage par les associations naturalistes de Normandie.
En 1953, le naturaliste Roger Brun ne l’avait pas encore croisé lors de ses explorations. Pourtant, dans son musée créé à Friardel (14) puis transféré au muséum de Rouen après 1980 figure un rat des moissons capturé le 29 avril 1967 à Friardel ; il a été naturalisé. 

Rat des moissons mâle, Friardel, cliché Rodolphe Murie, photographe

« Le rat nain ou rat des moissons (mus minutus Pall.) [aujourd’hui Micromys minutus], plus petit que la souris et qui construit son nid au sommet des tiges de céréales, doit exister dans notre région ; il est mentionné comme peu commun dans la magistrale Faune de Normandie, de H.-G. de Kerville. Je ne l’ai, pour ma part, jamais rencontré jusqu’à présent. » Roger Brun, « Faune du Pays d’Auge », Le Pays d’Auge, septembre 1953, p. 8.
Voir aussi le site du Groupe Mammalogique Normand : www.gmn.asso.fr 

Les plantes de la guerre

« On a manqué de tout dès le début de la guerre. J’avais treize ans quand la guerre a commencé. » Marguerite, Montviette (14)
Les restrictions :
Janvier 1940 : premières pénuries alimentaires.
12 juillet 1940 : création d’un ministère de l’agriculture et du ravitaillement.
7 décembre 1940 : les services du rationnement sont mis en place dans les départements.
Dès le début de l’Occupation allemande en Normandie (mai 1940), la population manque de denrées essentielles, comme le blé, le pain, les pommes de terre, le sucre, l’huile ou le savon, mais aussi le café et le tabac. Alors on les remplace par des plantes de substitution.
« Au pensionnat à Livarot, à la rentrée de 1940, on nous servait au réfectoire des bettes justes cuites dans l’eau, sans aucun assaisonnement. C’était particulièrement mauvais ! » Denise, Madeleine Même si  « en ferme, on avait ce qu’il fallait. » Raymond

Carte de vin, Deauville, coll. Montviette Nature

Le pain noir 

« Les réquisitions, ça venait du gouvernement dans les mairies. Ils réquisitionnaient selon la grandeur de l’exploitation. On était imposés à donner aux coopératives du blé, de l’avoine, de tout, un peu de tout. » Vendeuvre (14)
« On faisait du pain d’orge, car le blé était réquisitionné. Dans la farine d’orge, il y avait des barbillons. Ça nous blessait les gencives. » Escures-sur-Favières (14)
« Dans l’Eure, pendant l’Occupation, on portait le grain et on revenait chercher la farine. » Yvonne
« On portait notre grain au moulin de Vicques. On allait porter le jour. «  Vous revenez dans deux jours.«  Il avait du boulot : tout le monde apportait du grain à moudre. » Raymond
« On a réparé les fours avec de l’argile et on a cuit le pain dans les fours. » Laurent, Orne
« Selon les familles, on avait la carte de pain. »
« Pour le repas de communion, on n’avait que du pain noir à l’époque. Nous, on est allés ramasser du blé à la campagne où il restait des trésiaux (gerbes de blé debout rangées en rond). Il ne fallait pas toucher aux trésiaux. Et on glanait dans le champ.
On est allés au moulin d’Ouville (Ouville-la-Bien-Tournée). La farine, on l’a donnée à Monsieur Clément, le boulanger. Il nous a fait du pain blanc. Pour nous, c’était une fête. » Marie-Thérèse, Donville, Saint-Pierre-sur-Dives (14)
« On a mangé du sarrasin, en bouillie. » Lisieux (14)
« Chez le boulanger, si le pain ne faisait pas deux kilos, il y avait un pain dans lequel le boulanger prenait un bout : le « pain de pesée ». » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
« Pendant la guerre, les boulangers ont attrapé la gale du pain. Ils avaient des croûtes sur les mains à cause de la farine qui était si mauvaise. » Montviette, Garnetot (14) 

Epis d'orge

Rutas et topinambours 

Avant l’Occupation, rutabagas et topinambours étaient cultivés comme plantes fourragères.
Le topinambour servait à l’engraissement des cochons. Dès 1940, il est consommé à la crème, à la vinaigrette ou avec seulement de la moutarde. « On a mangé des rutabagas en frites. Rien n’était perdu : les tiges et les feuilles étaient données aux lapins. »
« On a cultivé des haricots ‘Soissons’ à très gros grain. On les cultivait en grand. » Témoignages Jardin Conservatoire

Laisser de la terre pour les pommes de terre 

Dès 1941, « il a fallu laisser de la terre pour cultiver des pommes de terre en grand. » Livarot (14)
À Saint-Pierre-sur-Dives, tous les terrains en friche de la ville sont répartis en lots de 200 mètres carrés et confiés aux personnes qui veulent cultiver des légumes. Délibérations 1941 et 1942 (Archives communales)
« On mangeait des radis noirs, des bettes et des betteraves aussi. C’était cultivé sur le terrain de sport. » Saint-Pierre-sur-Dives (14)
« On a mangé la moelle des choux à vache, juste bouillie avec un peu de beurre. » Avranches (50), Témoignage Jardin conservatoire , 1er mai 2009
« Pendant la guerre, une partie du jardin a été cultivée en ‘Soissons’ et l’autre en pommes de terre. » Témoignage Jardin Conservatoire
« Ça germe ; il fallait égermer. Pour cultiver, on ne mettait en terre que les yeux des pommes de terre. » Témoignage Jardin Conservatoire
Entre les pages d’un Manuel de culture potagère publié en 1943, son propriétaire de l’époque a glissé un  « Plan de culture du jardin pendant l’Occupation, (42, 43) » annoté de méthodes de semis des scorsonères, navets, carottes et poireaux. E. Delplace, Manuel de culture potagère, E. Meyer éditeur, Paris, 1943. (Collection Montviette Nature) 

Chou à vache ou chou fourrager, Catalogue graines Le Paysan, 1947
Plan jardin d'Occupation (42 43), coll. Montviette Nature
Les jardins scolaires 

En février 1943, une circulaire de l’inspection académique du Calvados impose la création de jardins scolaires en ville comme à la campagne pour contribuer au ravitaillement national.
À Montviette, l’instituteur ouvre son jardin, situé devant son logement, aux élèves et fait un reportage photographique.

Des plantes sauvages :

« Sur le marché de Vimoutiers, on faisait passer des racines de consoude pour la scorsonère géante de Russie !» raconte Jean Bréteau.
« Les nonottes, c’est comme du radis blanc, tout petit dans les herbages. Ça pique un peu. Les gamins les ramassaient sur les talus. » Falaise, Trun (14) – Bailleul (61)
La génotte, ou noisette de terre (Conopodium majus, Apiaceae), est une petite plante assez commune. Elle pousse en bord de forêt, sur sols acides et légers. Son tubercule est comestible. 

« Du sucre avec du jus de pomme » 

« Pas de sucre. Le sucre, c’était pour les Allemands. » Vendeuvre (14)
« Au début de la guerre, dans la première maison où je travaillais, aussitôt on a manqué de sucre. » Toutainville (27)
« On a cuit de la rhubarbe sans sucre, de la compote sans sucre. Depuis, je n’ai plus mangé de rhubarbe. Rien que le mot rhubarbe… » Hélène, Caen
« On faisait une confiture de carottes à confiture, des carottes violettes, auxquelles on ajoutait un quart de pommes sures. » Grandmesnil (14)
Dans toute la Normandie, dans les fermes, on a fabriqué de la « compote de cidre » ou du « sirop de cidre » pour remplacer le sucre : « Mon père fabriquait du sucre avec du jus de pomme. On coupait des pommes dedans. On les cuisait très longtemps, dans une bassine en cuivre. Quand il était réduit, on arrêtait et on le mettait en pots. Ça faisait un sirop épais. On mettait des pommes de Duret. Ça n’avait pas tellement le goût de pommes, mais ça sucrait. » Marguerite, Montviette (14)
« Le sirop de cidre avec du cidre doux cuit, ça épaississait et on mettait en pots. » Vaudeloges (14) 

Sirop de cidre, reconstitution

Lierre et herbe à savon 

« On a fait du savon avec de la soude caustique, du gras de bœuf et une grosse poignée de feuilles de lierre. Elles cuisent, on ne les retrouve pas. Il faut faire bouillir longtemps avec un peu d’eau. Puis on versait dans un bidon coupé. Quand c’était bien froid, on coupait des morceaux. On laissait sécher sur une planche jusqu’à ce qu’ils ne collent plus. » Sainte-Marguerite-de-Viette (14)
« Pendant l’Occupation et bien après la guerre, on a refait la lessive à la cendre. On mettait le linge à tremper dans la cendre. Ils frottaient, rinçaient au lavoir. » Montviette. Le Pin (14)
« Ma mère me lavait le visage avec de l’herbe à savon. » Flers (61) 

Herbe à savon ou saponaire
Le tabac : « On a fumé des feuilles de noyer. » 

« On a manqué de tabac. Il fallait un ticket. J’avais l’âge d’avoir le droit à la carte ; j’avais un paquet de gris à rouler tous les mois. » Laurent
Le tabac a aussi beaucoup manqué. Certains on pu se procurer des graines en Belgique. « On avait droit à sept, huit pieds. Un grand tabac difficile à faire sécher. » À défaut, d’autres ont dû rechercher des plantes à sécher. « On a fumé des feuilles de topinambour et des feuilles de noyer. Il fallait les faire sécher et les couper en petits morceaux pour mettre dans la pipe. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
« J’ai fumé des feuilles de pomme de terre. » Lisieux (14) 

Feuille de noyer
La cantine d’Occupation 

« Ils ont tiré la faim du ventre des gamins… » à Saint-Pierre-sur-Dives (14) 
« À l’époque de l’Occupation allemande,  on était une famille nombreuse, on était sept gamins. À Saint-Pierre, un couple qui n’avait pas eu d’enfants a ouvert une cantine pour les grandes familles. On avait du pain, du pain un peu mieux. » Marie-Thérèse
« Monsieur Gustave allait dans les fermes chercher des pommes de terre. Je me souviens : on mangeait du boudin et de la purée. Ils nous ont tiré la faim du ventre, et à tous les gamins. On n’était pas moins d’une quarantaine et pendant toute la guerre… »
« La cantine était entre l’église et l’école. C’était comme une grange. La cuisine était dedans. La mère d’un des enfants faisait toutes les peluches et son fils Lucien venait l’aider. » Marie-Thérèse, Monique, Saint-Pierre-sur-Dives (14)
Arthur Gustave, 1877-1950, est élu adjoint au maire en 1941. Avec son épouse, ils mettent en place la « cantine d’Occupation » dans un bâtiment près de l’abbatiale, aujourd’hui disparu. Arthur Gustave a reçu la médaille d’argent de la reconnaissance française à titre civil pour bon fonctionnement des services administratifs du 6 juin au 20 août 1944. 

La cantine d'Occupation, Saint-Pierre-sur-Dives, 1941, coll. Montviette Nature
Le « café de jardin » 

Depuis 1920, les familles ont pris l’habitude de boire un café, au moins le dimanche.
Le café vert est torréfié dans les bourgs. Dès 1940, il est remplacé :
« On grillait de l’orge ; des fois, des glands. Un bonhomme a fait du café avec des carottes jaunes coupées en rondelles et moulues… »

« Enfants, pendant et bien après la guerre, on nous envoyait récolter à la campagne deux ou trois rangs d’une fève très grande, cultivée pour le café. Les gousses étaient mises à sécher à l’abri. Le grilloir que l’on se passait de ferme en ferme, ou que l’on empruntait à l’épicerie du village, était un cylindre qui tournait au-dessus de la braise. Ce café était très gras. Un autre produit de remplacement du café fut la carotte jaune : on les coupait en tranches minces pour les griller au four jusqu’à ce que les morceaux soient cassants et d’une belle couleur marron. On peut alors les moudre. » Saint-Frimbault (61) 

« Le boulanger faisait griller l’orge dans son four à bois. » Vimoutiers (61) 

Grilloir à "café de jardin", coll. Montviette Nature
 Remplacer l’huile

« Pendant la guerre, l’huile c’était rare. » Renée, Grangues (14)
« Avant, on avait de l’huile d’olive, achetée en bonbonnes de cinq litres en verre et recouvertes de liège. On la mettait en bouteilles au fur et à mesure qu’on en avait besoin. » « L’huile on la remplaçait par de la crème pour la vinaigrette : une cuillère de crème, vinaigre, sel, poivre. » Montviette (14) 

Du vinaigre pour mariner 

« On a mangé du renard… Mon père le mettait toute la nuit dans le vinaigre. On avait du mal à s’y faire. Ma mère l’a fait mariner toute la nuit. Elle mettait ses morceaux à mariner dans le vinaigre avec des oignons, de l’ail, comme du civet. » Saint-Pierre-sur-Dives (14) 

Des fleurs à la Libération 

« On a donné des bouquets de fleurs aux Canadiens.» Jort (14)
« Une fleur, une seule, comme ça une rose. » Falaise (14)
« La veille, il y avait eu la tragédie de Saint-Michel-de-Livet. Une famille avait offert des fleurs aux Anglais. Des Allemands cachés les ont vus et les ont tués. Seuls survivants : une fille et un petit réfugié cachés sous un lit. Donc on n’a pas donné de fleurs aux Anglais. » Montviette (14) 

Autel des prisonniers et oratoires 

« Pendant la guerre, le curé Ménager avait dressé un autel dans l’église de Montviette (14).  On priait pour eux tous les dimanches. » Roger
« Après la Libération, les réfugiés de Saint-Georges-en-Auge (14) ont construit un oratoire à la Vierge, pour remercier d’avoir été épargnés. » Thérèse
À Saint-Pierre-sur-Dives (14), un autre oratoire à la Vierge est aménagé dans le mur du manoir des Roches. 

Bien après la guerre 

1er novembre 1945 : suppression de la carte de pain.
28 décembre 1945 : rétablissement de la carte de pain.
1er mai 1947 : la ration officielle de pain est fixée à 250 grammes par personne.
« Les tickets, ça a encore duré un moment.
« J’ai fait ma communion en 1947. Chacun amenait ce qu’il pouvait avec des tickets. On n’a pas fait de      menu. » Hélène, Caen 

Carte de pain, 1949

La haie morte

Longtemps en Normandie, le jardin a été clos d’une haie morte et la haie des herbages réparée par un tronçon de haie morte ou haie sèche. Une technique à réapprendre… 

Entretenir la haie 
Forces, outil collection Emmanuel, Montviette Nature

« Les haies, on les fait avec des forces. Le pied, à la faux, le faucard. On coupe le pied avec le faucard et après les forces. Les forces affûtées sur la meule. Le faucard, on le battait comme une faux. Le croissant, avec un long manche, servait à élaguer plus haut sur le bord des routes. On y passait des semaines. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)

« On élague à l’intérieur du champ, mais aussi à l’extérieur si la haie borde un chemin. Si le chemin est très emprunté, on élague à vue de ciel pour que le chemin soit bien ensoleillé. »

« Sur les haies d’épine, c’étaient les forces. Tous les six ou sept ans, à la serpe qu’on coupait ça, ou à la hache. Beaucoup à la hache. Pour les fossés, c’étaient les sapes, les faucilles, pour couper l’herbe et un fourchet long comme ça, 60 centimètres, qui servait à maintenir l’herbe qu’on coupait. C’était un travail spécial au Pays d’Auge. Passé Saint-Pierre-sur-Dives, c’était la plaine de Falaise. Y avait pas de haies comme dans le Pays d’Auge. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14) 

Le croissant, avec un long manche, servait à élaguer plus haut
Réparer la haie : la haie morte
"Quand on faisait une haie..."

« Quand on faisait une haie, il ne restait pas grand-chose, car on réparait d’abord les haies. » Montviette (14)
« On reclôt ou on répare les brèches dans la haie avec du bois appointi à la serpe, planté debout, les affiches. Les fameuses affiches, on les fendait en deux avec le fauchet quand c’était du bois qui se fendait bien. Quand il y avait de l’orme, ça se fendait bien. Puis, avec de grandes branches horizontales, des liures de saule, on serrait la haie. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14) 

« Les affiches tous les 20-30 centimètres pour faire coller (tenir) le menu bois mis en arrière. C’était bien quand c’était bien clos.  Entre les affiches, on mettait du petit bois debout, des branchages de bois, comme des rames ; un coup de serpe pour les appointir. On les enfonçait en terre. Normalement c’était du bois debout, le bois de la haie qui était là. » Francis
« Des fois, il y avait un frêne ou un chêne. On le replantait dans un trou de la haie d’épine, pour reboucher. » Boissey (14)
« Même l’épine, on la remettait dans le trou pour boucher. » Montviette (14)
« On allait couper des vignons (Ulex europaeus) près des bois. On les ramenait avec le cheval sur la charrette. On en faisait des haies mortes, des fois jusqu’à 800 mètres. On plantait des piquets en terre et on les serrait avec une vis et une manivelle. » Montpinçon (14)
« Mon père se servait d’une pince à raffiquer les haies. » Moyaux (14) 

Le serre-haie ou pince à "raffiquer" la haie
Autres usages de la haie  

Avec le reste, on fait des fagots. Certains ouvriers effectuaient ce travail « à la loue », c’est-à-dire payé à l’unité. « Un fagot bien fait doit passer dans un sac à pommes. » Il pèse au moins 25 kilos.
« À la saison, on commençait par élaguer le chemin à Paul, à la sape. On reprenait au croissant à vue de ciel et Simone venait râteler les élagures. On en mettait sur les garennes dans la cour de maison ; je me rappelle au moins trois. On furetait avec les furets. Dans le bas du p’tit pré, la cabane (qui abritait le taureau) n’était couverte que d’élagures et les murs en fagots. » Saint-Pierre-de Mailloc (14)
« On couchait les branches en travers et on les resserrait avec les presses à haie. Les branches, on les coupait au faucillon et on les couchait. Pas trop gros, on les couchait. On coupait tous les dix, douze ans. On les tord et on les rattache avec l’osier. » Montviette (14)
« Les fagots étaient faits sous le pied, avec un brin de coude qu’ils arrivaient à nouer. Sinon, le métier à fagots : on faisait des tas au pied des haies. On déplace le métier à fagots. » 

Un fagot sur le métier à fagots

« Les grandes épines qui poussent vite, grandes ronces qui servaient à attacher les balais : ils la fendaient en deux pour lier les balais de bouleau et de bruyère et pour lier les tonneaux. » Montviette (14)
« Édouard, mon père, cherchait dans la haie les manches des outils. Il faut observer, repérer. Pour l’effort : la masse, la hache, le merlin, c’est du houx et qu’il soit plus gros d’un côté…  Les manches de fourche en frêne ou noisetier pelé. » Les Champeaux (61)

Sécateur à long manche. Coll. Emmanuel, Montviette Nature
Faire des fagots, Raymond, Montviette, 1990

Recherche variétés normandes

Histoire des recherches

Dès 1987, en Normandie, des chercheurs se lancent individuellement à la recherche de variétés potagères disparues et collectent les semences de légumes encore cultivés dans de petits jardins :

  • Le professeur Pierre-Noël Frileux (1938-2015) dirige le laboratoire d’écologie de l’université de Rouen et prospecte en Pays d’Auge. Il a retrouvé le pois ‘Jaune fondant’.
  • Michel Vivier (1933-2019), agronome, collecte les savoirs des jardiniers dans les départements de l’Orne, la Manche puis dans le Calvados. Il sera le scientifique référent du Jardin Conservatoire de Saint-Pierre-sur-Dives. Il conservait une souche du cassis à grain blanc et recherchait le chou ‘d’Audouville’ cultivé près de Coutances (50).
  • Jean Nicolas (1926-2003), Huest (27), collectionneur de variétés anciennes, auteur d’articles à la revue Les 4 saisons du jardinage. Il conservait l’échalote à rames, le poireau-ail, le rosier ‘Reine des pimprenelles’.
  • Jacky Maneuvrier, Histoire et Traditions populaires, Le Billot (14), exposition « Il était une fois le jardin », 1994.
  • Frédérik Krielaart, collectionneur de variétés rares à Louviers (27).
  • Christiane Dorléans, membre de l’association Maison de l’écologie de Lisieux, à l’origine de la bourse aux plantes de la foire aux arbres de Lisieux et cofondatrice de l’association Montviette Nature (1990).
    À partir de 1990, Montviette Nature concentre les travaux de ces différents partenaires. La recherche de variétés locales est inscrite au projet 1000 communes d’Europe pour l’Environnement, au titre de la biodiversité des plantes cultivées.
    En juin 1995, le Jardin Conservatoire des fleurs et légumes, créé par la commune de Saint-Pierre-sur-Dives, devient une vitrine et un espace de collectage de savoirs et de plantes à usages normandes. Le Jardin paysan de Saint-Cyr-la-Rosière (61), la société d’horticulture de l’Orne, celle de Lisieux, le jardin de la Ferme-musée du Cotentin, l’association des Jardins familiaux de Saint-Lô, mènent une démarche analogue sur leur site.

Depuis 1990, une trentaine de variétés normandes ont été retrouvées. D’autres, comme le haricot ‘La Passion’, le pois ’Crotte de lièvre’ que des jardiniers ont confiés à Montviette Nature, n’ont pas encore été identifiées. Et, quel est le vrai nom de ce fameux haricot ‘Quatre-au-mètre’ ?

Catalogues de cultivateurs -grainiers normands, collection Montviette Nature
Variétés potagères recherchées

Dix catalogues de cultivateurs grainiers ou horticulteurs grainiers ont été recueillis. Ils ont été édités à Caen, Sourdeval-la-Barre, Rouen, Lisieux, entre 1901 et 1961.

Ils permettent de confirmer la culture de variétés typiquement régionales.
Nous les recherchons…

Asperges Pelpel, Cette variété a été obtenue dans mes cultures et a remporté le premier prix à plusieurs expositions ; recommandable par sa grosseur et sa qualité. catalogues A. Lenormand, Caen, 1901, 1909
Betterave de Rouen, catalogue E. Picard, Rouen, 1938 

Carotte de Lisieux, catalogue Heusse, Lisieux, 1937

Carottes

Carotte rouge demi-longue de Lisieux, catalogue André Heusse, Lisieux, 1937
Carotte rouge demi-longue de Vimoutiers, catalogues André Heusse, Lisieux, 1937 – E. Picard, Rouen, 1938
Carotte rouge demi-longue de Luc ou de Caen, catalogues André Heusse, Lisieux, 1937 – A. Lenormand, Caen, 1901, 1909 –       R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941
Carotte rouge longue monstrueuse du Roumois, catalogue E. Rosette, Caen, 1928 

 

Céleris

Céleri plein blanc de Louviers (vrai) très trapu à côtes très larges, catalogue E. Picard, Rouen, 1938
Céleri à couper, ne gèle pas l’hiver, usité comme feuillage aromatique, idem

Céleri de Louviers, catalogue E. Picard, 1938

Chicorées 

Chicorée fine de Rouen, catalogues André Heusse, Lisieux, 1937 – R. Guesdon, successeur  Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941 – E.  Rosette, Caen, 1928 – E. Picard, Rouen, 1938
Chicorée ‘Frisée fine de Rouen’, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941 –                       A. Lenormand, Caen, 1901, 1909  –   E. Rosette, Caen, 1928 – I. Sénécal, Caen, 1961
Chicorée frisée dorée normande, volumineuse, le cœur très plein, blanchit seule, recommandée, catalogue E. Picard, Rouen, 1938

 

Choux

Chou pommé précoce de Tourlaville, (Prompt de Caen) Variété à pomme assez haute.               Convient pour la culture de primeurs précoce et vigoureuse, catalogue Le Paysan, 1947
Chou grappé de Cherbourg, catalogues André Heusse, Lisieux, 1937 – R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941 – E.  Rosette, Caen, 1928
Chou prompt de Lingreville, récolte de la Manche, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941 –  E. Rosette, Caen, 1928
Chou cœur de bœuf gros de Lingreville, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941

Chou pommé tardif Mortagne, extra, catalogues André Heusse, Lisieux, 1937 – E. Rosette, Caen, 1928
Chou pommé tardif de la Trappe, catalogue André Heusse, Lisieux, 1937
Chou pommé du Pin, catalogue André Heusse, Lisieux, 1937
Chou pommé tardif de la Manche, variété très productive et résistant bien à l’hiver, catalogue          E.  Rosette, Caen, 1928

Chou Milan gros, pied court de Caen, hâtif, extra, catalogues A. Lenormand, Caen, 1901, 1909
Chou Milan ordinaire, pied court de Caen, hâtif, extra, catalogues A. Lenormand, Caen, 1901, 1909 – E. Rosette, Caen, 1928 – I. Sénécal ,Caen, 1961
Chou de Milan ou pommé frisé d’Avranches, hâtif, catalogue André Heusse, Lisieux, 1937
Chou de Milan ou pommé frisé de Caen, extra, idem  Chou Milan d’Avranches, idem

Chou de Quevilly petit, pomme de 0 m 20 de haut, arrondie, dure, très précoce et répandu aux environs de Rouen, catalogue E. Picard, Rouen, 1938

Chou Précoce de Louviers, excessivement précoce, pomme pointue, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941
Chou cabus précoce de Tourlaville (variété très cultivée en Normandie pour la production de printemps), idem
Chou de Lingreville, très bonne variété beaucoup employée en Normandie comme chou d’été, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941 – E. Rosette, Caen, 1928

Chou Cœur de Bœuf gros, Chou de Cherbourg, Chou Grand-père, catalogue Le Paysan, 1947
De Mortagne blanc, Une des meilleures variétés tardives se conservant très longtemps, rendement énorme, catalogue I. Sénécal, Caen, 1961
Chou de Mortagne blanc. Pied court, belle grosse pomme aplatie et blanche, catalogue Le Paysan, 1947

 

Choux de deuxième et d’arrière-saison 

Chou brocolis tardif de Caen, pomme énorme se récolte en mai, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941 – E. Rosette, Caen, 1928
Grappé de Cherbourg, pomme moyenne, excellente variété à planter serré, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941
De Mortagne, variété à grand rendement, très cultivée en Normandie, idem
Chou pommé tardif de la Manche, variété très productive et résistant bien à l’hiver, idem
Chou pommé tardif de Tinchebray, idem
Chou de Milan court hâtif de Caen, très bonne variété un peu hâtive, craint un peu les gelées, idem
Chou de Milan ordinaire de Caen, variété très recommandable, pomme moyenne dure, de bonne qualité, résiste bien au froid, idem
Milan pied court d’hiver dit de Caen
Variété très recommandée : pomme moyenne, très dure, excessivement frisée, de bonne qualité et se conservant longtemps. catalogue I .Sénécal, Caen, 1961
Chou de Quevilly gros, pomme d’un beau volume, très cultivé dans la région rouennaise,     catalogue E. Picard, Rouen, 1938

 

Fève de Barfleur, catalogue Guesdon, 1941

Fève blanche de Barfleur, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941

Haricot nain 'Petit carré de Caen', catalogue A. Lenormand, 1901

Haricots

Petit carré nain de Caen, catalogue André Heusse, Lisieux, 1937
Petit carré de Caen ou prédome nain blanches, catalogues A. Lenormand, Caen, 1901, 1909
Petit carré de Caen nain, excellent, variété de haricot nain, très répandue en Normandie,      catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941

Haricot à rames blanc de Domfront, idem 

Laitues

Laitue blonde Grandval et Pontorson, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941

Laitue Mignonette de Saint-Lô, idem

Laitue Belle normande, extra brune d’été, catalogue André Heusse, Lisieux, 1937 

Mâche de Rouen, catalogue E. PIcard, Rouen, 1938

Mâche

Mâche de Rouen,  ronde, verte, maraîchère, catalogue E. Picard, Rouen, 1938

 

Catalogue A. Lenormand, Caen, 1901

Navets

Navet gris long de Maltot, sec d’hiver, catalogue André Heusse, Lisieux, 1937

Navet blanc d’été Lemarchand. Racines très régulières à peau très lisse, chair blanche d’excellente qualité, de plus elle a l’avantage d’être très lente à monter. catalogues A. Lenormand, Caen, 1901, 1909

Navet de Luc, extra, catalogue André Heusse, Lisieux, 1937

Navet de Rouen, catalogues A. Lenormand, Caen, 1901, 1909

Navet Gris de Luc, demi-long pointu, idem

Navet de Pontorson ou de Ducey aussi appelé « Navet de sarrasin », Revue de l’Avranchin, 1888, p. 576

 

Oignon

Oignon rouge pâle de Lingreville, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941 

Poireaux, catalogue E. Picard, Rouen, 1938

Poireaux

Poireau gros court de Rouen, catalogues André Heusse, Lisieux, 1937 – E. Picard, Rouen, 1938

Monstrueux d’Elbeuf, Tête d’anguille (M), Précoce. Atteint une grosseur énorme au bout de quelques mois. Ne drageonne pas au printemps. catalogue I. Sénécal, Caen, 1961

Très gros de Rouen, Très lent à monter à graine. Convient aussi bien pour l’hiver que pour l’automne. Rustique. idem

Poireau très gros de Rouen, excellent, énorme, rustique pour l’hiver, catalogues A. Lenormand, Caen, 1901, 1909 – E. Picard, Rouen, 1938 

Pois 

Pois ‘Crochu’, Valognes (50), enquête jardin de la Ferme-musée du Cotentin, 2002

Pois gris géant à fleur violette, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941

Pomme de terre ronde précoce de Caen, catalogue A. Lenormand, Caen, 1901

Pommes de terre 

Ronde précoce de Caen, catalogues A. Lenormand, Caen, 1901, 1909

Pomme de terre ’Chardon’ ou d’Argentan, revue Lyon-Horticole, 1934

Pomme de terre ‘Victor’, témoignages

Early rose, hâtive et très productive, à condition d’être plantée en terrain chaud, chair blanche, qualité bonne souvent de goût délicat, catalogue E. Picard, Rouen, 1938

D’autres variétés aux noms normands sont cultivées dans la région de Lyon ou en            Bretagne :
– ‘Jeannette’, obtention de M. de Ravenel, Falaise
– ‘Arlette’ (nouvelle, gain de M. de Ravenel de Falaise)
– ‘De Flers’ (Orne)
– ‘Valognaise’
– ‘Vitelotte de Caen’ 
– ‘Rosa de Cherbourg’ et ‘Rouge de Cherbourg’.

revue Lyon-Horticole, février 1881 

Radis

Radis jaune rond de Bayeux, catalogues R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925, 1941

Enseigne du cultivateur grainier Bazin, Sourdeval-la-Barre
Publicité Graines Sénécal, Caen, bulletin société horticulture de Pont-l'Evêque, 1939, collection Montviette Nature

Trois poireaux normands

Depuis la fin du XIXe siècle, trois poireaux réputés ont été cultivés  par les maraîchers et dans les jardins de Normandie. À retrouver et à adopter… 

Page de couverture Graines Clause 1938, coll. Montviette Nature
Poireau ‘Monstrueux d’Elbeuf’

« Long d’Elbeuf ou tête d’anguille, très hâtif » Catalogue E. Picard, Rouen, 1938
« Variété de toutes saisons… , le poireau ‘Monstrueux d’Elbeuf’ assurera… des pieds d’un volume extraordinaire, demi-hauts, à feuilles larges, vert clair. » Catalogue Graines Clause, 1938
«  C’est le plus précoce de tous les Poireaux. Il précède le Poireau monstrueux de Carentan et grâce à sa végétation vigoureuse, devient sensiblement plus gros que ce dernier. Aucun bourrelet ne se formant à la base du pied, l’arrachage est très facile. Le Poireau Monstrueux d’Elbeuf est très résistant aux gelées. C’est dans la classe des poireaux demi longs, le véritable Poireau « universel » appelé à remplacer peu à peu toutes les variétés de poireau d’hiver et d’été. »  L’Agriculture nouvelle, 12 janvier 1929, p. 31.

Poireau gros court de Rouen 

« Vers 1830, on commençait à parler d’un Poireau gros court de Rouen, remarquable par sa grosseur. Un premier échantillon fut présenté en 1833 à la Société royale d’Horticulture de Paris. Les années suivantes, Pépin, jardinier-chef du Muséum, expérimentait cette variété nouvelle que les maraîchers adoptèrent ensuite pour la culture sous châssis. »   Georges Gibault, Histoire des légumes, Paris, 1912,              p. 171-172
À Elbeuf, à l’occasion de l’exposition horticole du 3 septembre 1876, M. Marinier présente trois poireaux gros de Rouen.  Bulletin Société d’horticulture d’Yvetot, 1876, p. 26.

Poireau très gros de Rouen, cat. E. Rosette, Caen, 1928.
Poireau ‘Monstrueux  de Carentan’

« Le Poireau monstrueux de Carentan, le roi des Poireaux, mis au commerce en 1874, est une forme améliorée du gros court de Rouen. » Georges Gibault, Histoire des légumes, Paris, 1912, p. 172.

« Ce poireau qui est encore peu connu a, selon moi dit l’exposant, plus d’un mérite : d’abord sa précocité unie à sa grosseur en fait une des meilleures acquisitions pour le printemps ; semé sur couches de bonne heure et exposé aux premiers beaux jours dans une terre bien fumée et bien préparée, il grossit promptement et atteint le volume d’un poireau ordinaire. Permettez-moi, cependant après avoir énuméré ses qualités de vous indiquer ses défauts ; s’il est précieux par sa précocité, il est à surveiller à cause de sa grande sensibilité au froid. Pendant l’hiver, il souffre de la gelée et surtout de la neige ; après la cuisson, il laisse un léger parchemin à chaque couche de feuilles ; mais ça n’a lieu qu’en hiver. »              M. Fosset (jardinier au château de Bourdainville), Bulletin Société d’horticulture d’Yvetot, 1876, 13 année, p. 4. (Collection bibliothèque de la SNHF) 

Des poireaux de Carentan sont « présentés sur le bureau » à l’exposition horticole d’Elbeuf  en juillet 1876.

Catalogue de semences Le Paysan 1947, coll. Montviette Nature
Poireau monstrueux de Carentan et gros de Rouen, cat. Vilmorin Andrieux, 1891, coll. Montviette Nature

Haricot ‘la Passion’ et haricot’ de Cherbourg

Cette variété peu documentée est difficile à identifier. Recueilli en 1998 à Vimoutiers auprès d’un jardinier qui le nomme ‘Saint-Sacrement nain’, ce haricot intrigue par sa forme et son coloris. Et, le haricot nain ‘de Cherbourg’ existe-t-il encore ? 

 

 

Manuscrit sur les haricots

La bibliothèque patrimoniale d’Avranches (50) conserve le  manuscrit n° 249 rédigé par  l’agronome Louis-René Le Berryais (1722-1807) sur les haricots connus au XVIIIsiècle.  Ce manuscrit n’a pas été         publié mais une grande part des descriptions  figure dans le Traité des jardins ou le nouveau de                    La Quintinie, 1775. Jointe à ce manuscrit, une série d’illustrations de magnifique qualité montre quelque 75 variétés de haricots.
La figure 2 de la  planche XX  est la représentation qui s’approche le plus du haricot ‘La Passion’, appelé aussi ‘Saint-sacrement nain’.
La variété désormais cultivée par Montviette Nature et présentée au public au Jardin Conservatoire de Saint-Pierre-sur-Dives pourrait-elle être ce haricot ‘de Perse’ illustré par Le Berryais mais qu’il ne décrit pas dans son manuscrit ?
Sa fleur est violine, les gousses longues contiennent en moyenne six à huit  grains de  couleur beige jaune tachés d’un rouge sombre aléatoire. Il se consomme en vert et sec. Il n’est pas farineux et très goûteux. Une variété intéressante à continuer de cultiver « pour qu’elle ne soit pas perdue » selon la volonté si ferme de  ce jardinier attentif…

Planche XX, figure 2, manuscrit de Louis-René Le Berryais, bibliothèque patrimoniale d’Avranches

Haricot 'La Passion' ou haricot 'de Perse' ?
Retrouver le haricot ‘Nain de Cherbourg’

Le Traité des jardins, ou Le nouveau de La Quintinie décrit une variété normande inconnue et sans illustration : « le haricot ‘Nain de Cherbourg’, Phaseolus humilis albus e violaceo variegatus. Ce haricot s’élève beaucoup. Ses feuilles sont grandes. Ses fleurs se lavent de violet. Il est fort hâtif ; donne pendant long-temps une grande abondance de belles cosses, tendres étant prises petites, un peu trop marbrées de violet ; contenant cinq, six belles  & grosses fèves légèrement marbrées de violet sur fond blanc un peu roux, l’œil bordé d’aurore, excellentes nouvelles & sèches. » Traité des jardins, ou Le nouveau de La Quintinie, troisième édition, lib.  Belin, Paris –  chez Manoury l’aîné, Caen – chez Le Court, Avranches, 1789. (Coll. Montviette Nature)
Sera-t-il possible de retrouver cette variété ?

Tulipes de Caen et de Rouen

La tulipe est une fleur sauvage présente de l’Asie à l’Europe occidentale et dans quelques stations d’Afrique du Nord. Cette espèce fut révélée au XVIe siècle par le sultan ottoman Soliman le Magnifique qui la fait cultiver dans ses jardins.
Introduite aux Pays-Bas vers 1600, les tulipes s’implantent très vite en Normandie. Dès le milieu du XVIIe siècle,  plusieurs variétés sont créées à Caen et à Rouen. Elles sont aussitôt représentées dans le décor des églises comme à Auvillars, La Cressonnière, dans le décor peint sur argile de l’église de Saint-Martin-du-Mesnil-Oury (14)…

Décor du 17e siècle peint sur argile, autel nord, église de Saint-Martin-du-Mesnil-Oury (14)
Le Floriste françois

Un botaniste caennais Charles de la Chesnée-Monstereul (1600-1660) se passionne pour cette fleur nouvelle. Il en identifie près de 200 variétés et les décrit dans un véritable catalogue dans son ouvrage           Le Floriste françois, Traitant de l’origine des Tulipes, paru en 1654. La bibliothèque de Caen en conserve un exemplaire publié en 1658, joliment illustré.
Le succès  de son ouvrage est tel qu’il sera réédité à Rouen  dès 1656 et 1658.  Puis, après sa mort,       l’ouvrage est repris sous le titre de Traité de la tulipe chez Charles de Sercy, éditeur.

Le Floriste françois, Charles de la Chesnée-Montereul, Rouen, 1658, cliché bibliothèque de Caen
Les variétés décrites

À Caen, à la fin du XVIIe siècle, de nombreuses  variétés sont obtenues et cultivées par des « curieux » comme l’amiral Ablin.  Une tulipe lui est dédiée,  appelée  l’ « Unique d’Ablin,  […] panaché d’un beau pourpre violet, rosesèche, et blanc. ».
Charles de la Chesnée-Monstereul décrit les formes et coloris de tulipes en Normandie, obtenues de semis :
‘Pourpre de Rouen’ ;
’Unique de Caen’ panachée, à grands panaches d’un rouge éclatant sur du beau blanc ;
‘Rouennoise’ ou ‘Chapelle’, rouge, colombin et blanc.
Que sont maintenant  devenues ces tulipes ?

Eglise de Repentigny, antependium, autel nord, 17e siècle

Dahlia bicolore à identifier

Dès les années 1920, ce dahlia pompon rouge et blanc fleurissait un peu partout en Normandie et en Belgique sans que l’on connaisse son nom… 

Grâce à Guy Dirix du site belge Belle Epoque Meise, nous avons obtenu de nouvelles informations données par un spécialiste du dahlia, Hubert Moens :
« On trouve encore çà et là cette curieuse variété très ancienne datant de plus ou moins 1850. Je l’ai personnellement rencontrée à Appelterre, Oignies-en-Thiérache (rapportée d’Arlon par ses parents), Rumst, Welle, Stavelot et Cerfontaine. Elle a effectivement la particularité de produire sur un même plant des fleurs qui sont toutes blanches, roses ou rouges, ou des fleurs qui sont une combinaison de ces couleurs.
En France, on utilise le nom ‘Madame Frisart’ et dans le livre de Michel Robert, l’ancien président de la Société française du dahlia, on peut lire que ce nom est celui de la dame qui a offert ce dahlia à sa maman. Dans la collection de Vrijbroek, il est repris sous le nom ‘Masquerade de Rumst’, nom donné par madame Friede Daems qui a trouvé ce dahlia à Rumst ; ce nom se rapporte également au jeu dans les couleurs.
Celui qui provenait de Cerfontaine a reçu le nom de ‘Bicolore de Cerfontaine’.
Ont-ils tous la même origine ?
Autour de l’année 2000,  [quelqu’un] l’a fait enregistrer sous  le nom ‘York and Lancaster’. Ce nom se réfère aux blasons des maisons de York et de Lancaster qui ont conclu la paix après de longues années de conflit. »
D’après Hubert Moens , spécialiste des dahlias au “Vrijbroekpark” à Mechelen (Malines), Belgique.

On avait plein de dahlias

« Si on avait des dahlias en fleur, on en emmenait quand on allait manger chez quelqu’un, emballés dans un bout de journal. » Vendeuvre (14)
Á Lisieux, en 1840, le pépiniériste Jules Oudin présente plus de 240 variétés cultivées dans sa pépinière de Saint-Désir. Bulletin des travaux de la Société d’émulation de Lisieux, 1er volume, Lisieux, 1846, p. 44.
Au jardin de l’Évêché, à Lisieux, « on y plantait des boutures de dahlias… », La feuille du cultivateur, journal d’agriculture pratique, Bruxelles, 1861.
En 1928, la graineterie Ernest Rosette à Caen propose une douzaine d’obtentions dédiées à des villes du Calvados, comme  ‘Caen 1926’, dahlia décoratif à « grande fleur fraise écrasée longues tiges » ou  ‘Villers-sur-Mer’, dahlia cactus « pourpre de Tyr ». E. Rosette, Catalogue de graines & plantes, Caen, 1928. (Coll. Montviette Nature)
À Vire, vers 1950, l’établissement Prével Frères était un obtenteur-producteur réputé. Leur grand succès, ‘Vire, ville martyre’ créé en 1951,  a hélas disparu. En 1965, leur catalogue comptait plus de 300 variétés. Recherches menées grâce à Jean-Pierre Dubuche, Association des collectionneurs virois.

« Nous, on ne les rentrait pas, juste de la paille sur le pied. On les divise au printemps à la pousse.  Avec un pied, on en faisait trois ou quatre. » Dozulé (14)
« Avant de les planter, on les laisse faire leurs petites pousses dans la cave. » Sassy (14)
« Les gros, pour avoir de belles fleurs, je les pinçais. » Thiéville (14)

Ce dahlia pompon rouge et blanc, variable au point qu’apparaissent sur le même pied une fleur toute rouge ou une toute blanche, est cultivé partout en Normandie,  et plus largement en Europe du Nord, sans avoir été parfaitement identifié. Jusqu’à aujourd’hui, son obtenteur est inconnu. De nouvelles recherches à mener pour mieux le connaître…