Archives pour la catégorie Plantes à usages

Histoire du ‘Proudon’ et du ‘Prédome’ 

« Cette variété est aussi connue des vieux jardiniers du Cotentin sous le nom de « Prudent » ou « Prudon ». Il rappelle une variété normande le ‘Petit carré d’Hérouville’ », explique Georges Salliot, président de l’association des Jardins familiaux de Saint-Lô en 2006 en confiant quelques gousses de son précieux haricot aux guides du Jardin Conservatoire de Saint-Pierre-sur-Dives. 

Les gousses déposées au Jardin Conservatoire en 2006

Une fiche descriptive accompagne les gousses confiées au Jardin Conservatoire :

  • C’est une variété grimpante qui monte à deux mètres environ.
  • Ses gousses en grappes de quatre à huit éléments ont une dizaine de centimètres de long.
    Les renflements dus aux grains apparaissent rapidement mais le haricot reste tendre jusqu’à un état très avancé de sa maturité.
  • Le ‘Proudon’ est une variété remontante. Il produit une seconde fructification, certes moins abondante que la première, en fin d’été. 
Ses grains blancs peuvent être conservés...
Prudon, Proudon, Prodommet et ‘Blanc de Maltot’

Depuis 2006, Montviette Nature interroge les personnes ressources. Il est connu et réputé bien au-delà du Cotentin. Un couple âgé venu de la Mayenne a apporté à Montviette Nature des graines d’un haricot que leur famille cultive depuis plus de soixante-dix ans : le ‘Prodommet’.
Le conservatoire de la ferme de Sainte-Marthe conservait dans ses collections un ‘Blanc de Maltot’. Cultivés tous dans les mêmes conditions, il s’avère qu’ils sont parfaitement semblables. Reste à mener maintenant une recherche génétique. 

Et le ‘Prédome’ de Vilmorin et le ‘Prédome’ de Louis-René Le Berryais ?

Au XIXe siècle, dans l’ouvrage Les plantes potagères de Vilmorin-Andrieux est décrit un haricot ‘Prédome à rames’ appelé aussi « haricot Prudhomme, H. Prodommet, Pois anglais à rames ». Il est précisé que « Le H. Prédome est une des meilleures de toutes les variétés sans parchemin ; la culture en est très répandue en France, surtout en Normandie où il en existe deux ou trois formes qui diffèrent légèrement les unes des autres par les dimensions de la cosse et du grain. La maturité en est demi-tardive. »
En 1785, l’agronome Louis-René Le Berryais rédige un manuscrit sur la culture des haricots conservé à la bibliothèque patrimoniale de Avranches. Il y décrit un ‘Prédome blanc’ à rames : « haricot blanc sans parchemin. C’est le plus estimable de tous les haricots blancs. Il est d’un fort grand produit. Ses cosses petites, très nombreuses n’ont aucun parchemin, et sont comestibles jusqu’à ce qu’elles soient presque complètement sèches… »
En 1806, il complète son manuscrit par une série de quarante-neuf planches. La planche V, figure 2 montre le haricot ‘Prédome’.

Planche V, figure 2, Manuscrit sur les haricots, L.R.Leberryais, bibliothèque patrimoniale d’Avranches

Le transmettre

Il semble que ces descriptions se rapportent aux différentes variétés collectées depuis plus de trente ans en Normandie. Variété intéressante, savoureuse et facile à cultiver, il est important de la conserver et de la transmettre :
« Parce qu’il n’existe pas dans le commerce, ce légume exceptionnel doit être sauvé de la disparition. Gardez de la graine pour en offrir à d’autres jardiniers. Ils vous remercieront surtout quand ils les auront goûtés. Il faut sauver le haricot ‘Proudon’ ! » Richard Catherine et Georges Salliot (association des Jardins familiaux de Saint-Lô). 

‘Pont-Audemer’ le haricot de Claude

« Croyez-vous qu’on pourrait retrouver le ‘Coco de Pont-Audemer’ ? Nous, maraîchers, l’avons cultivé et vendu sur les marchés de Lisieux et de Cabourg. »
1994. Claude Mesnil, président de la Société d’horticulture et de botanique du centre de la Normandie, ancien « maraîcher de ceinture » à Lisieux puis au Breuil-en-Auge (14), s’adresse à Montviette Nature pour retrouver ce haricot qu’il appréciait tant.
1997. Après trois ans de recherches, le haricot est enfin retrouvé dans l’Eure auprès d’un jardinier amateur. Claude est formel : c’est bien celui qu’il a cultivé. Il en reprend la culture pour maintenir la variété et aider Montviette Nature à la diffuser.  

Claude et Colette ont exploité 60 ares à Lisieux puis au Breuil-en-Auge. Cliché famille Mesnil.
 « Mes parents récoltaient pas mal de graines. »

« Je suis né à Norolles en 1931. Mes parents étaient jardiniers. Mon grand-père, avant 1914, était jardinier à la Monteillerie. Du côté de ma grand-mère, ils étaient six enfants, tous jardiniers : un au jardin public, un au jardin de l’hôpital… J’étais au travail à quatorze ans chez mes parents. À Lisieux, on a exploité 60 ares avec coffres et châssis jusqu’en 1965. On a été expropriés. On a cherché un terrain avec une bonne terre à proximité. Au Breuil-en-Auge, on a trouvé une terre de gros sable et d’alluvions. On a monté une serre légumière de 2000 m2 et tout le restant en plein champ, en versant nord-sud. Le Douet du Mieux a fourni de l’eau même pendant la sécheresse de 1976. »
Claude et son épouse Colette cultivent des variétés normandes, comme le ’Poireau de Carentan’ « mais devenu trop court pour la clientèle », le « pois » ‘Petit carré de Caen’… « On avait un hectare et demi d’exploitation. C’était rentable. »  « Mes parents récoltaient pas mal de graines. »
Pour la récolte des haricots : « Il y avait des tâcherons, des cueilleurs qui faisaient les vendanges, la saison en montagne, les cueillettes de cerises, de fraises, de fruits. Ils arrivaient en voiture et leur caravane. Ils cueillaient les haricots chez nous. »
« Après le marché de Lisieux, on a décidé de faire les marchés sur la côte, à Cabourg puis Dives-sur-Mer. Sur la côte, les clients aiment la marchandise fraîche, belle et bonne. On présentait les légumes dans les paniers à pommes de mon père en châtaignier. » 

Colette vend trois variétés de haricots au marché de Cabourg
Le ‘Pont-Audemer’

Le haricot que Claude et Colette ont cultivé sous le nom de ‘Pont-Audemer’ est un haricot nain, à feuillage vert moyen, à fleur blanche. La gousse large, d’abord verte, se marque rapidement de stries rougeâtres. En mûrissant, la gousse jaunit, les stries deviennent d’un rouge plus vif. Le grain : les gousses longues, droites contiennent de six à dix grains. Grain beige fauve dessiné de stries d’un rouge brun violacé. Exposé à la lumière, le grain brunit et se teinte d’une couleur rouille foncé. Il se consomme entre vert et sec. 

Pas de trace écrite du ‘Coco de Pont-Audemer’

Le ‘Coco de Pont-Audemer’ était cultivé autour de Lisieux et dans l’Eure, sous cette appellation. Mais le nom de ‘Coco de Pont-Audemer’ n’est jamais référencé dans les catalogues des semenciers nationaux, ni chez les cultivateurs grainiers normands. Alors comment l’identifier ? 

 

La piste du manuscrit d’Avranches

La bibliothèque patrimoniale d’Avranches conserve un manuscrit de l’agronome Louis-René Le Berryais (1722-1807) sur les haricots connus au XVIIIe siècle*. Parmi une dizaine de haricots nains dits « haricots suisses », à noter la description du ‘Suisse rouge’ : « Phaseolus humilis albus e rubro variegatus cylindrus. Haricot Nain / nain blanc suisse marbré de rouge : de tous les haricots suisses, celui-ci est le plus beau. Il est très hâtif ; et produit des cosses étroites, mais longues de six à sept pouces, garnies de fèves longues de neuf à dix lignes, cylindriques, marbrées de rouge sur fond blanc. »
* Signalé par Michel Vivier et mis en lumière par Antoine Jacobsohn dans son ouvrage Du fayot au mangetout, L’histoire du haricot sans en perdre le fil, Éd. du Rouergue, 2010. À lire : la biographie de Le Berryais sur le site Wikimanche

Planche XLIX, figure 1, Manuscrit sur les haricots, L.R. Leberryais, Bibliothèque patrimoniale Avranches (50)

Le haricot ‘Suisse rouge’ 

En 1891, Vilmorin-Andrieux fait une rapide description d’un haricot ‘Suisse rouge’: « Plante vigoureuse ramifiée, mais ne filant ordinairement pas ; feuillage raide pas très grand ni très ample, uni, d’un vert un peu grisâtre. Grain allongé presque droit, marbré de taches lie de vin, généralement allongé formant des stries longitudinales sur un fond rouge pâle. »
Il est produit chez deux cultivateurs-grainiers à Caen : A. Lenormand en 1901 et I. Sénécal en 1921 sous le nom de ‘Suisse rouge’.
Aux États-Unis, le haricot ‘Improved Goddard’ ou ‘Boston Favorite’ est très proche du ‘Coco de Pont-Audemer’.
Peut-être que de nouveaux documents d’archives et des recherches plus fines permettront d’identifier formellement ce mystérieux ‘Coco de Pont-Audemer’… 

Catalogue Vilmorin 1944, haricot Suisse rouge
En 1997, Claude a retrouvé le 'Coco de Pont-Audemer'...

En mai les muguets

Au 1er mai, le muguet est cueilli au jardin ou dans les bois. Au jardin, il est blanc, quelquefois rose et exceptionnellement  double. Dans les bois, sa cueillette est désormais réglementée, car il y est de plus en plus rare.
« Le geste de s’offrir un brin de muguet est apparu longtemps après la guerre. Ici, dans les campagnes, ça ne fait que depuis 20 ans. » Madeleine,  1998.

Au jardin

« Le muguet, il faut que ça se plaise et en février, il faut lui mettre un peu d’humus. » Thiéville
« J’ai vu jusqu’à  quinze clochettes par tige. Dans un coin du mur, j’avais du muguet rose. Je lui mettais du marc de café. J’en avais à couper à la faux. Pour l’entretenir, il faut arracher l’herbe sale à la main. Jamais avec un outil ! » Thiéville
« On portait les premiers brins de muguet à la Vierge. » Mais à Vieux-Pont-en-Auge : « Notre  brave curé n’en voulait pas, parce que ça sentait trop fort. Surtout quand l’église est fermée» raconte Madeleine.

Trois muguets
Muguet double recueilli à Montpinçon (14)
Un rare muguet à fleur double

Recueilli par l’association Montviette dans un jardin à Montpinçon (14), ce muguet double et à la corolle légèrement colorée mérite d’être sauvegardé et développé.

Il est déjà décrit au XVIIIe siècle : « Je ne parle point ici du muguet ordinaire, dont les bois sont pleins : il vient ordinairement sans culture. L’espèce en question demande plus de culture, étant très-rare. Nous en devons la découverte au Frère Didace, Récolet, qui étoit habile homme en fait de fleurs. On le plante en bonne terre & en belle exposition : on le multiplie de plant enraciné au mois de Septembre. »
Description de  Louis  Liger, La nouvelle maison rustique, ou Économie rurale, pratique et générale de tous les biens de campagne, Tome second, Libraires associés, Paris, 1790, p. 241

En Normandie dans les bois

Le muguet sauvage,  Convallaria majalis, Liliaceae, est absent du Cotentin. Autrefois très commun dans les bois du Pays d’Auge et de l’Orne, il est devenu rare et sa cueillette est réglementée. Michel Provost,  Atlas de répartition  des plantes vasculaires de Basse-Normandie, Presses universitaires de Caen, 1993.

 

« Il y en avait dans les bois de Fervaques, mais les pieds ont disparu. » Saint-Pierre-de-Mailloc
«On allait au bal de la Fête du muguet à Marie-Joly. » Pierre se souvient : « On allait en cueillir dans la forêt de Cinglais. Il y avait du monde et on n’en trouvait pas beaucoup. On n’avait pas le droit d’y aller la veille. Interdit ! Des années, on n’en trouvait qu’un ou deux brins et les clochettes étaient plus petites. »
 « Au Bois Bunel, on prenait les racines et on les remettait dans le jardin. » Pont-Audemer (27)
L’érudit Arthème Pannier (1817 – 1882) signale la présence de muguet dans le bois de la Hêtre à Saint-Germain-de-Livet (14). (Carnet conservé à la société historique de Lisieux)

Pour rappel, le muguet est une plante toxique. Les accidents sont rares mais il est important d’en être informé.

Muguet sauvage, bois de La Roque Baignard. Cueillette réglementée. Photographie J.F. de Witte
Note d'Arthème Pannier in Carnet conservé à la société historique de Lisieux

Sauver le chou de Tourlaville

En 2015, sur les marchés autour de Cherbourg, on vendait encore des plants du ‘chou de Tourlaville’ produits à Bretteville-en-Saire (50). Désormais cette variété n’est plus cultivée que par des amateurs. Une variété en danger de disparition ? 

Catalogue Lenormand Caen 1909

Cette variété bien connue était cultivée depuis la fin du XIXe siècle dans le Val de Saire, mais aussi dans les jardins autour de Caen, en Pays d’Auge et jusqu’à Rouen.

« Chou pommé blanc de Tourlaville, (vrai) ou Cabus. Très hâtif ‘Lemarchand’ Obtenu par M. Lemarchand, l’un de nos principaux cultivateurs maraîchers, qui le cultive en très grandes quantités et en plein champ  » (Catalogue A. Lemarchand, Caen, 1909)
« Chou prompt de Tourlaville, très hâtif, (graine cultivée dans la Manche) » (Catalogue R. Guesdon, successeur Maison Bazin-Simon, Sourdeval-la-Barre (50), 1924-1925)
À Caen, E. Rosette, en 1928 : « Chou cabus précoce de Tourlaville (variété très cultivée en Normandie pour la production de printemps) ».
« Chou pommé de Tourlaville, (vrai) extra » (Catalogue A. Heusse, successeur Maison Bassière, Lisieux, 1937)
« Chou de Tourlaville variété de mérite pour le bord de mer », (Catalogue E. Picard,  Rouen, 1938)
À Caen, l’établissement Sénécal sélectionne une souche de porte-graine : « De Tourlaville, sélection de drageons, se recommande comme chou de primeur. Tourlaville amélioré dit Lemarchand (sélection de drageons) commence à produire en avril une pomme énorme très serrée. » (Catalogue I. Sénécal, Caen, 1961)
Les cultivateurs grainiers du début du XXe siècle mettent un point d’honneur à sélectionner et conserver le type original, à ce qu’il ne soit pas confondu avec des variétés proches comme le chou ‘Prompt de Caen’.

 

Chou précoce de Tourlaville
La variété est longuement décrite par le semencier Vilmorin :
« Pomme assez haute et pointue, formée par l’enroulement des feuilles, dont quelques-unes ont une moitié libre et l’autre engagée dans la pomme. Feuilles larges et amples, d’un vert très foncé, à côtes très grosses et rondes près de la tige, se recourbant brusquement pour appuyer les feuilles contre la pomme. C’est une variété bien distincte, précoce, vigoureuse, qu’on voit arriver en grande quantité à la halle de Paris dès la fin de l’hiver, des environs de Cherbourg, où elle est cultivée en grand.
En dehors de son pays d’origine, elle ne paraît pas avoir d’avantage bien marqué sur les choux cœur de bœuf. C’est, au surplus, une race un peu variable au point de vue de l’apparence des feuilles, qui sont tantôt lisses, tantôt cloquées. » (Vilmorin-Andrieux et Cie, Les plantes potagères, Description et culture des principaux légumes des climats tempérés, 2e édition, Vilmorin-Andrieux et Cie, Paris, 1891, p. 123 – Collection Montviette Nature)
En 1926, dans son Catalogue général des graines potagères, Vilmorin indique : « Chou précoce de Tourlaville, Chou de printemps pour le bord de la mer. Pomme assez haute, pointue. Variété distincte, précoce. »

Mode de culture

« Semer en pleine terre en août-septembre ; repiquer en pépinière ; mettre en place en novembre ou au printemps à 40 ou 50 cm d’intervalle. (Catalogue E. Picard, Rouen, 1938) 

Leçons de choses 1920

Quand le ‘Tourlaville’ sert à des essais…

1934, le Bureau d’études sur les engrais de la Société commerciale des potasses d’Alsace, situé 34 rue Richard Lenoir à Caen et basé ensuite à Granville, diffuse un livret intitulé  La fumure des terres en Basse-Normandie  où des essais sont menés sur différentes cultures comme celle la pomme de terre à La Mancellière. Le président des maraîchers de Tourlaville-Cherbourg, monsieur Burnel, se prête volontiers à l’expérience. Il est diqu’ « autrefois, on faisait un large emploi des varechs qui apportaient une dose importante de potasse… Actuellement le varech est de moins en moins employé en raison des frais élevés qu’entraîne sa récolte… » Le bureau des engrais suggère donc l’emploi de chlorure de potasse pour obtenir le chou de Tourlaville de belle venue que montre l’image [ci-dessous] ! (Livret collection Montviette Nature) 

À lire aussi : la page wiki https://www.wikimanche.fr/Chou_de_Tourlaville et les notes de Michel Vivier dans son ouvrage  Savoirs et secrets des jardiniers normands, Éd. Charles Corlet, 2007. 

Petits usages du noisetier

« Dans les haies, des noisetiers il y en a partout » raconte Raymond.  D’autres l’appellent « la coude » ou « le coudrier ». Pour le paysan ou le jardinier, le noisetier présente de nombreux atouts : c’est un bois souple, facile à travailler qui  convient bien pour les objets longs.
Les enquêtes menées auprès des anciens en Normandie ont révélé qu’une vingtaine d’objets étaient  facilement fabriqués.
A la ferme : Gaule, réquêt ou gaulet, perche, tendeur à peaux de lapin, manches d’outils, hart, fourchet, trique, baguette de sourcier, bâton de marche.
Au jardin : Cordeau, pique-chou, rames à haricots, rames à pois.
Jeux d’enfants : Lance-pomme, lance-pierre, bûchettes

Gaule à pommes : Les noisetiers les plus vigoureux poussent bien droit. On peut ainsi confectionner de longues gaules légères. Pour gauler les pommes, il ne faut pas frapper sur les branches comme une brute mais utiliser la flexibilité du bois de noisetier pour agiter les branches sans abimer les bourgeons.  A la fin de la saison, les gaules sont remisées à l’arrière du pressoir ou de la grange.
Quand on est assez jeune et peu enclin au vertige, on monte dans les pommiers les plus chargés en fruits pour abattre les pommes. On se sert alors d’une courte gaule, le réquet,  pour atteindre les fruits peu accessibles. « Quand mon père secouait une grosse branche, il pouvait faire tomber une « pouche » de pommes. » Le Pin  « J’ai un gaulet, petite gaule à pommes pour monter dans les pommiers ». Saint-Martin-de-Fresnay
Dès la fin du mois de juillet, les pommiers commencent à ployer sous le poids des fruits. Pour éviter que les branches ne se brisent, on les soutient avec des perches. Les pommes sont ainsi hors de portée des vaches même si on les entrave avec des « piétins ».

Ce petit bâton fourchu permet de redresser « l’herbe versée » quand on fait les talus, la faucille d’une main, le fourchet dans l’autre.

« Pour faire les harts, en général c’était la coude. Mais aussi avec les repousses  de chêne. Le père Couraye, il avait le coup, il en faisait en moins de deux pour lier les fagots. Ça se fait quand la sève marche. En mars, avril, ça se tordait mieux.  On faisait à mesure. En général,  c’était solide. Ça ne coutait pas cher, mais c’était moins rapide que le fil de fer.  C’était surtout pour faire des bourrées au pied, tu appuyais au pied, ça serrait, on tirait dessus avec le hart. J’aimais ça. » Francis,  Saint-Pierre-de-Mailloc

Tendeur à peaux de lapin ; Autrefois dans les fermes, lorsque l’on tuait un lapin, sa peau était mise à sécher dans un grenier sur un tendeur ou une fourche en noisetier dans l’attente du passage du marchand de peaux de lapins. Le prix de vente des peaux était dérisoire. « Ma mère nous remettait cette maigre recette qui était placée dans notre tirelire ». Le Pin

Quand on coupe une haie, on sélectionne les branches les plus droites et au diamètre adéquat pour confectionner tous les manches d’outils qui cassent fréquemment, de la binette à la fourche à fumier. On pèle  l’écorce du bois encore vert à la plane, « sur le banc à planer pour écorcer le noisetier ou peler le noisetier ». Ablon

« Je tresse trois pousses de coude ensemble. Je les attache et les laisse pousser au moins deux ans. Ça  fait une jolie canne ». René, Grandmesnil
« Mon père refaisait les barreaux des râteliers avec du noisetier pelé. » Renée, Saint-Désir-de-Lisieux
Le sourcier, celui « qui a le don de trouver l’eau» utilise uniquement une baguette fraiche de noisetier qu’il cueille dans la haie la plus proche. «  Dans ma ferme, quand j’ai décidé de creuser un puits pour abreuver tous les animaux, le patron de l’entreprise de forage a déterminé l’endroit où creuser avec une baguette de sourcier. » Saint-Pierre-de-Mailloc, 1990
Quand on change les veaux ou les bœufs d’herbage, il faut avoir une bonne trique pour les faire avancer, les arrêter ou les empêcher de se diriger dans une mauvaise direction. A utiliser avec modération. On ne frappe pas les vaches laitières que l’on doit pouvoir approcher chaque jour pour les traire. En revanche, on ne pénètre jamais dans la cour au taureau sans une grosse trique qui stationne toujours à l’entrée de l’herbage.

Pique-chou en noisetier

Le « haricot à rames » est une plante grimpante qui a besoin d’être tuteurée « Dès que les haricots réclament les rames ». Ils s’enroulent autour de baguettes de noisetier fixées deux par deux par le jardinier. L’hiver venu, les rames sont soigneusement remisées pour être réutilisées l’année suivante.
Contrairement aux haricots, le pois s’accroche aux rames avec des vrilles comme la vigne. Les branches d’orme en forme d’arrête de poisson convenaient bien pour le soutenir. Le noisetier a remplacé l’orme disparu des haies vers 1980.
« Mon grand-père était fier de montrer ses poireaux alignés « au cordeau ». Manerbe

Bûchettes en rameaux de noisetier dans un cahier de 1937, école de Grandmensil (14)

« Quelques jours après la rentrée des classes du cours préparatoire,  la maîtresse  nous a demandé d’apporter une dizaine de buchettes pour apprendre à compter. » Ecole Le Pin, 1963
Les « mauvais gamins » fabriquent facilement des lance-pierre qui peuvent s’avérer dangereux. Les plus intrépides s’en servent pour casser les carreaux des maisons abandonnées. « J’étais très adroit avec le lance-pierre. J’abattais un pigeon à 20 mètres, mieux qu’avec un fusil. » Pont-L’évêque.  « Dans les élingues, des fois on mettait des billes. » Thiéville.  « Lance-pierre pour tirer les merles ». Patrick, Clarbec
« Quelques jours après la rentrée des classes du cours préparatoire,  la maîtresse  nous a demandé d’apporter une dizaine de buchettes pour apprendre à compter. » Ecole Le Pin, 1963
Le lance pomme sert à multiplier la forme du bras.

A découvrir l’atelier découverte « Les petits usages du noisetier » sur les évènements à suivre…

Faire ses graines

Depuis les débuts de l’agriculture, vers 6000 avant J.-C., les hommes ont su récolter les semences de céréales, de légumineuses et autres herbes et, tout doucement, en améliorer la qualité et le rendement.
Au XIXe siècle, grande époque du progrès technique, les horticulteurs et maraîchers  se sont familiarisés avec les techniques de sélection et de récolte des semences. Aujourd’hui, malgré l’arrivée sur le marché des semences hybrides à haut rendement, beaucoup de jardiniers perpétuent cette pratique. Ils nous confient leur savoir-faire.

Pourquoi faire ses graines ?
  • une alternative aux graines du commerce désinfectées aux produits chimiques
  • diversifier les variétés cultivées au jardin
  • réintroduire des variétés locales en voie de disparition
  • se libérer du monopole des semenciers et des hybrides du marché
  • vous détenez une variété intéressante : faire ses graines pour la diffuser autour de soi.
Graines de panais avant la récolte
Choisir le porte-graine

Chaque type de plante impose une méthode particulière qu’il faut apprendre, espèce par espèce. Dans un rang de légumes, le porte-graine sera la plante ayant la meilleure allure ou les plus beaux grains ou fruits.

  • Sur les salades, les anciens disent qu’ « il faut couper la laitue ou chicorée avant qu’elle ne monte. Elle rejette. Il ne faut récolter les graines que sur les tiges latérales. »
Fleurs et graines de la laitue 'Brune du Perche'
Graines d'angélique à confire encore vertes
  • Chez les ombellifères, le panais et l’angélique se récoltent et se sèment la même année. Les graines ne se conservent pas au-delà d’un an.
    La carotte peut être replantée, en bonne place,  au printemps qui suit  pour lui permettre de fleurir puis de produire sa graine. La semence de      carotte se conserve cinq à six ans.
  • Les graines de potiron et celles de toutes les cucurbitacées ne peuvent être récoltées qu’après avoir pollinisé soi-même la fleur femelle et l’avoir abritée sous un voile. La plupart des cucurbitacées s’hybrident entre elles par pollinisation croisée des sujets.
La tomate de 'Madagascar' doit être très mûre avant d'en récolter la graine
  • Les semences de tomates anciennes sont extraites du fruit très mûr  et rincées à l’eau chaude afin d’en retirer l’enveloppe gélatineuse. Elles sont alors déposées sur une assiette puis ramassées dans un sachet de papier étiqueté.
  • Les porte-graines du pavot ou de l’ancolie doivent être gardés bien droits, le temps du séchage,  pour ne pas laisser échapper la semence.
    Ainsi chez l’ancolie, une renonculacée, la fleur est une clochette tournée vers le sol. Mais, lors de la formation de la graine, les cinq follicules qui la contiennent se redressent vers le ciel et empêchent les semences de se déverser.
    Les graines noires brillantes peuvent être semées dès la fin de l’année de récolte. Les ancolies colonisent volontiers les jardins.
Récolter, sécher

Il faut attendre que les graines soient bien formées et que le temps soit sec pour les récolter. Elles sont ensuite encore séchées à l’abri. Ainsi au Jardin Conservatoire à Saint-Pierre-sur-Dives, la serre n’est utilisée que pour mettre les graines au sec.

Graines de gesse ramassées bien sèches
Conserver les semences

La conservation demande d’autres précautions : trouver le récipient qui n’altère pas la qualité de la graine, connaître la durée de germination des semences, protéger certaines graines d’attaques de parasites au cours du stockage.
Ainsi toutes les légumineuses (pois, fèves, haricots, gesses) doivent être gardées dans un congélateur pendant 48 heures pour tuer les larves de bruches. Les anciens les enferment avec de l’ail ou des feuilles de laurier.  Pour une bonne conservation, il faut choisir le bon récipient : boîte en fer, en bois, en carton, mais éviter le verre où peut se déclarer une mauvaise fermentation. Les enveloppes et sachets de papier doivent être gardés dans une pièce sèche et aérée.
La durée de vie des semences est variable selon les espèces.

Pois 'Gris de la Manche' à placer quelques jours au froid pour éviter le développement de larves

Pommes de terre en Normandie

« Planter les pommes de terre quand les lilas sont fleuris pour être sûrs qu’elles réussissent. On le faisait pendant la guerre de peur de manquer. » Mézidon (14)

Ancienneté de la pomme de terre en Normandie

L’introduction de la pomme de terre en Normandie s’est longtemps heurtée à la sage méfiance des paysans… Les efforts de l’agronome rouennais François-Georges Mustel, (1719 – 1803) qui fait les premiers essais de culture près de Lisieux en 1766, et le Traité de la pomme de terre publié par Sir John de Crèvecœur (1735-1813) en 1782 n’ont pas réussi à convaincre tout de suite la population. Il faut attendre 1840 pour que la pomme de terre ou « morelle tubéreuse » soit enfin adoptée.
« 1770 et 1773 furent des années de grande disette. Les Académies de province s’émurent et organisèrent des concours sur les moyens d’y remédier. […] Une expérience […] eut lieu à Saint-Aubin-de-Scellon [27] près de Lisieux avec Réville, curé de la paroisse, qui cultiva des pommes de terre en suivant les conseils de Mustel. Une acre plantée lui rapporta 2.160 livres. Lui aussi fabriqua du pain économique. » D’après A. Dubuc, « La culture de la pomme de terre en Normandie avant et depuis Parmentier », Annales de Normandie, Vol. 3, n° 1, janvier 1953, p. 50 – 68.
À Saint-Aubin-de-Scellon, apposée au mur du cimetière, une plaque rappelle les qualités du curé Jean Réville (1726-1778).
À la suite de la terrible famine de 1812, l’administration promet médailles et primes aux producteurs. À Lisieux, un certain Heuzard Lacouture, brasseur de bière de son état, en cultive 18 000 pieds dont il vend la récolte à bas prix au son du tambour. Nous sommes en 1817. Rien n’y fait. Il faut attendre 1830 pour voir la pomme de terre prendre place parmi les végétaux les plus cultivés, souligne l’Annuaire de la Manche de 1829.

Plaque tombale du curé Jean Réville (Photo Willy Franchet)

Traité de la culture de la pomme de terre

D’un long voyage en Amérique, Sir John de Crèvecœur revient convaincu de tout le bien que les Normands pourraient tirer de la culture de la pomme de terre. Michel Guillaume Jean de Crèvecœur dit J. Hector St John, est né à Caen le 31 janvier 1735 et mort à Sarcelles le 12 novembre 1813. Cet écrivain américano-normand écrit dans son traité  :  « De toutes les jouissances humaines, il n’y en a point peut-être de plus douces, ni de plus précieuses que celles qui résultent du bonheur d’avoir introduit la connaissance de légumes… »    « Différentes manières de cultiver les pommes-de-terre : sur le gazon comme en Irlande ; plantées en rang de céleri dans les jardins ; au bout des grands sillons des champs ; au pied des choux ; sur un bois nouvellement coupé (comme traditionnellement ce qui se fait pour les fèves en Normandie). » D’après Sir John de Crèvecœur, Aux habitants de la Normandie – Traité de la culture des pommes de terre et de différents usages qu’en font les habitants des États-Unis d’Amérique […], Leroy,  Caen, 1782, 72 p.

Schéma de "Leçon de choses", 1920

 

D’autres essais

En 1869, le Dr Lemercier rapporte des États-Unis 21 greffons de pommes américaines. Pour les préserver durant la traversée, les greffons ont été piqués dans des pommes de terre d’une variété achetée à Boston appelée ‘Early Rose Les tubercules sont alors plantés dans des jardins à Menneval, à Saint-Aubin-d’Écrosville et à Bernay. En septembre 1873, cette pomme de terre est présentée à l’Exposition d’horticulture de Bernay et puis disséminée en Normandie. Bulletin de la société d’horticulture et de botanique du centre de la Normandie, Lisieux, Tome II, n°2, 1873, p. 61.
Early rose’ figure au catalogue du cultivateur grainier de Caen, A. Lenormand, au printemps 1901.
À l’occasion de la 33e exposition du 1er au 8 octobre 1887, la Société d’horticulture du Havre présente une pomme de terre venue de Patagonie pouvant supporter -10 degrés. Cette espèce n’aura cependant pas d’avenir en Normandie.

Variétés de Normandie

« Au concours de la Société d’horticulture de Lisieux à Saint-Pierre-sur-Dives, les 27 et 28 juillet 1901 : Pierre Farcis, horticulteur à Biéville expose 90 variétés de pomme-de-terre. » Bulletin de la Société d’horticulture et de botanique du centre de la Normandie, Lisieux, Tome IX, n°1, 1901.

 

Ci-contre la ‘Bleue de la Manche’

La ‘Bleue de la Manche ou Violette de Cherbourg a été conservée dans les fermes de l’ancienne Basse-Normandie.

« Mes parents l’appelaient la ʺcornette de la Mancheʺ. » Témoignage bourse d’échanges, 2011.

 

LaMazurienne,

à chair blanche et peau sombre, est une « variété ancienne cultivée principalement sur le bord de mer à l’Ouest de CHERBOURG ».
Voir   https://www.semeurs.net/fiche.php?NumFiche=6855 [consulté le 19 mai 2021]. 

La 'Mazurienne' à chair blanche et peau sombre

 

La Reine des cuisines’
avait été identifiée lors d’inventaires réalisés avec le musée de la Ferme du Cotentin (50) en 1998.
Elle est aujourd’hui retrouvée.

D’autres variétés aux noms normands, tubercules à chair jaune,  sont cultivées dans la région de Lyon ou en Bretagne :
– ‘Jeannette’, obtention de M. de Ravenel, Falaise,
– ‘Arlette’ (nouvelle, gain de M. de Ravenel de Falaise),
-‘De Flers’ (Orne)
– ‘Valognaise’
– ‘Vitelotte de Caen’ 
– ‘
Rosa de Cherbourg’ et ‘Rouge de Cherbourg’
in Revue horticole de Lyon, février 1881 

Et, au Catalogue du Comptoir Breton, une  pomme de terre réputée de la région d’Argentan : la ‘Chardon’ ou ‘Chardonne’, […] d’Argentan : « Variété tardive, potagère, fourragère, féculière. Tubercules ronds. Yeux très enfoncés donnant une forme bosselée très particulière. Peau lisse jaune. Chair jaune. Variété à gros rendement résistant bien à la sécheresse. », in Catalogue du Comptoir Breton, Tarif du 15 janvier 1934.

‘Œil bleu’ ou Trois yeux bleus’, région de Saint-Pierre-sur-Dives, surtout réservée à la soupe. Témoignages Jardin Conservatoire, 1995.

Institut de Beauvais. Catalogue A. Lenormand, Caen, 1901.

Usages de la pomme de terre

« Des gens tuaient des merles, les plumaient. Puis ils en fourraient des pommes de terre cuites au four. » Recette collectée par Jacky Maneuvrier, Histoires et traditions populaires, Le Billot.
« Dans les années 1930-1940, on en cultivait des étendues de cette pomme de terre ‘Bleue de la Manche’. On les donnait chaudes aux vaches : elles aimaient ça. » Témoignage, dame Flers.
Recette du fromage de pomme de terre : faire bouillir les pommes de terre. Puis les piler jusqu’à ce qu’elles soient réduites en pâte. Pour 5 kg de cette pâte, ajouter 1 kg de lait aigre, sel, poivre. Pétrir. Laisser reposer 3 à 4 jours. Puis repétrir. Former des fromages et laisser égoutter sur des claies. Puis les faire sécher à l’ombre. Les mettre dans des grands pots pendant 15 jours. Le Normand, Almanach de Lisieux et du Pays lexovien. Emile Piel, Lisieux, 1868.
« M. de Maussion nous a fait goûter du pain qu’il avait lui-même fait en employant le fruit tout entier. Ce pain, quoiqu’un peu moins blanc que celui de belle farine de blé, était cependant d’un goût fort agréable. » Annuaire de l’arrondissement de Falaise, 6e année, Levavasseur, Falaise, 1841, p. 38.
« Mes parents cultivaient la ‘Bleue de la Manche’. Elle était servie en rondelles autour des crudités, carottes râpées, tomates. » Cherbourg, 1940.
« Mes parents cultivaient la ‘Bleue de la Manche’. Elle servait à décorer les plats d’entrée. Elle était bonne ! Transmise par un ancien d’Ouilly-le-Basset, lieu-dit La Goubignière. » Pont–d’Ouilly, 1960.
« Ma mère cuisinait la ‘Bleue de la Manche’ en purée. » Témoignage années 1940, Équeurdreville (50).

À rechercher

Nous recherchons les variétés suivantes collectées auprès de témoins ou proposées dans les catalogues de cultivateurs grainiers normands :

  • Entre Elbeuf et Pont-Audemer (27), on a cultivé une pomme de terre appelée « charbonnière ». Témoignage recueilli lors d’une conférence à la Fête de l’ortie, La Haye-de-Routot (27), 2000.
  • Une variété ‘Charbonnière’ est citée dans l’ouvrage « Description des plantes potagères », Vilmorin – Andrieux et Cie, Paris, 1856.
  •  Ronde précoce de Caen. A. Lenormand (cultivateur grainier), Catalogue général de graines et plantes, Caen, 1909. (Coll. Montviette Nature)  
  • La pomme de terre Talus, autrefois cultivée près de Bayeux sur talus sous des tas d’herbe fauchée, sans terre. Témoignage recueilli en 2004.
  • Abondance de Montvilliers « Tubercules jaunes, chair jaune, variété excessivement productive ». E. Rosette, Catalogue de graines & plantes, Caen, 1928. (Coll. Montviette Nature)
Catalogue A. Lenormand, Caen, 1901.
Catalogue E. Rosette, Caen, 1928.

Laitues normandes

La laitue est cultivée dans tous les jardins potagers. Elle se consomme de Pâques jusqu’aux gelées. Des variétés normandes à retrouver et à rechercher. Et comment en récolter la graine…

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la région d’Argentan (61) avait la réputation  d’être une « terre à salades » produites pour les marchés de Paris. D’après Alfred Canel, (1803-1879), historien de Pont-Audemer (27), on appelait les habitants d’Argentan les « maqueux de salades » ou les  « mangeurs de salades ». (Alfred Canel, Blason populaire de la Normandie, comprenant les proverbes, sobriquets ou dictons relatifs à cette ancienne province et à ses habitants,  A. Lebrument,  Rouen, Le Gost Clérisse, Caen, 1859)

 

Variétés normandes retrouvées et  recherchées
Laitue 'Brune du Perche', été 2020

Parmi les laitues cultivées au début du XXe siècle, la ‘Brune percheronne’ est la seule variété aujourd’hui retrouvée. Elle a été sauvegardée par le conservatoire de la Ferme de Sainte-Marthe – Mille variétés anciennes – sous le nom de laitue ′Brune du Perche′.


Nous recherchons toutes les variétés qui suivent. Elles étaient cultivées et fournies aux jardiniers par des cultivateurs grainiers de Lisieux, Caen et Sourdeval-la-Barre :

  • Laitue ′Belle normande′, extra brune d’été (Catalogue André Heusse, successeur Maison Bassière, Lisieux, 1937)
  • Laitues pommées d’été ou d’automne : ′Grosse blonde de Caen′ (Catalogue A. Lenormand, Caen, 1909)
  • Laitue blonde ′Grandval′ et ′Pontorson′,
  • Laitue ′Mignonette de Saint-Lô′ à graine noire et
  • Laitue d’hiver blonde ′Grandval′ et ′Pontorson′  (Catalogue René Guesdon,  successeur Maison Bazin Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-25)

 

Laitue dite 'de Flers', juin 2020
Une laitue dite « de Moncy » ou « de Flers »

Une laitue rouge de Moncy (61) a été recueillie par Fabienne aux environs de Flers. « C’est une  grand-mère de Moncy  qui la cultivait. Elle y était très attachée. Pour la préserver, elle l’a confiée à mon oncle. La grand-mère la mangeait cuite avec de la crème. »

Elle est désormais entre les mains de Montviette Nature. Nous avons récolté la semence en septembre.

Le catalogue Vilmorin-Andrieux Plantes potagères de 1894 présente une « laitue rouge de Vire » et une  « Cendrette du Havre ». Y a-t-il un lien entre ces trois plantes ?

 

Graines de laitues, août 2020

 

Récolter les graines de laitue            

Pour récolter de la bonne graine, écoutons André de Montviette  (14) :

  • « Il ne faut pas laisser la laitue monter à graines du premier coup. 
  • Il faut couper la salade prête à manger très au-dessus du collet.
  • Elle repousse alors en plusieurs rejets.
  • C’est sur ces rejets qui vont fleurir qu’il faudra récolter la graine. »

 

Laitue en fleur
Après la coupe, les rejets vont fleurir...

Maurice à Argentan, qui détenait dans son jardin la ′Brune percheronne′, racontait la même pratique  : « Il faut ramasser la graine sur les repousses. »

Échalote d’Alençon et autres échalotes normandes

L’échalote d’Alençon, l’échalote de la Manche conservée et sélectionnée par Matthieu Philibert dans son maraîchage de Bavent et l’échalote de Cherbourg collectée par David Lecœur à Condé-sur-Noireau pourront bientôt être confiées aux jardiniers amateurs..

« Depuis les années 1990, je recherchais l’échalote d’Alençon. En 2005, je l’ai retrouvée à Saint-Germain-du-Corbéis », raconte Patrick Boivin, ancien président de la Société d’horticulture d’Alençon et membre de la Société d’horticulture de Lisieux.

Echalotte à rames en Cotentin

En Normandie, ail, oignon et échalote sont cultivés depuis le Moyen-âge en quantité importante puisque les abbayes prélevaient la dîme sur ces cultures. (opold Delisle, Ėtudes sur la condition de la classe agricole et l’état de l’agriculture en Normandie, au Moyen-âge, 1851, Réédition Gérard Montfort. 1978, p. 495)
Cependant ces aulx sont sensibles à l’humidité et on peut imaginer que l’on a recherché des espèces et sélectionné des variétés adaptées au climat normand.
Ainsi, en Cotentin est encore cultivée une « échalote à rames ». Il s’agit en réalité de l’oignon d’Égypte ou rocambole qui ne fleurit pas, mais produit des bulbilles aériennes que l’on remet en terre au printemps. Tout se consomme : le bulbe souterrain, les feuilles et les bulbilles. Oignon rocambole ou oignon bulbifère (Allium cepa f. proliferum)

L’échalote d’Alençon

Patrick Boivin raconte sa découverte : « L’échalote d’Alençon est une variété ancienne autrefois bien connue dans la région. En 2005, Madame Bissey de Saint-Germain-du-Corbéis, en ayant hérité quelques bulbes de ses parents, m’a contacté et donné trois échalotes. C’est une variété tardive, ronde et pas très grosse selon le terrain. Elle a été plantée dans le jardin expérimental pendant cinq ans. Après plusieurs vols de plants, j’ai décidé de la cultiver dans mon potager. J’en ai maintenant quatre-vingts. »
« GROSSE E. [échalote] D’ALENÇON, autre variété dont nous ignorons le nom précis, et qui nous a été communiquée par M. Houtton de la Billardière, d’Alençon. Elle a le caractère de feuille de [l’échalote de Jersey], mais ses bulbes, plus lentes à se faire, acquièrent beaucoup plus de volume ; c’est la plus grosse échalote que nous connaissions, mais aussi la plus prompte à pousser. » (Le bon jardinier, Almanach pour l’année 1853, Dusacq, Librairie agricole de la Maison rustique, Paris, 1853, p. 461)
L’échalote de Jersey toujours produite est un bulbe allongé à la  tunique cuivrée et à la chair colorée.

L’échalote de Cherbourg

David Lecœur et ses amis de l’association Les Blancs montagnards créée au Plessis-Grimoult s’intéressent aux recettes traditionnelles et aux plats régionaux. C’est ainsi, à l’occasion d’enquêtes sur les savoirs, qu’a été retrouvée l’échalote de Cherbourg près de Saint-Vigor-des-Mézerets (14). Le bulbe est pyriforme assez ventru, rosé et à saveur douce. Nous recherchons son histoire et de la documentation sur cette variété régionale.

L’échalote de la Manche

Matthieu Philibert, maraîcher à Bavent, a recueilli voilà plusieurs années l’échalote de la Manche. Cette fois, le bulbe est rond, plat, à la peau orangée et lisse. Matthieu, comme le faisaient les anciens professionnels, pratique sur cette variété la sélection massale. Chaque année il sélectionne les plus beaux sujets et les plus conformes au type. Ceux-là seuls sont remis en culture.
Nous recherchons l’histoire et la documentation sur cette échalote.

Haricots normands

Collectées de Cherbourg à Bernay et jusque dans le Perche ornais, des variétés anciennes de haricots mangetouts, de cocos secs et de flageolets ont été sauvées de l’oubli après trente ans de recherches…

Rosette, Lenormand, Guesdon, Heusse, cultivateurs grainiers normands
Les « mangetouts »

Six fameux mangetouts sont désormais conservés et remis en culture par des maraîchers exigeants. On peut les découvrir à la saison au Jardin Conservatoire de Saint-Pierre-sur-Dives.

'Quatre-au-mètre', des gousses de 25cm

Le ‘Quatre-au-mètre’, aux longues gousses de plus de 25 cm : haricot fondant, sans fil. Son grain est brun foncé et long. 

Le 'Pois perdrix', haricot gris de la Manche

Le ′Pois perdrix′, haricot mangetout à rames, a été confié sous ce nom au Jardin Conservatoire en 2001 par lassociation des Jardins familiaux de Saint-Lô (50). Il pourrait être le ′Gris zébré′ décrit par Vilmorin en 1904.

'Mittois' au grain grenat foncé presque rond

Le ′Mittois′, mangetout à rames à grain grenat foncé, confié par Thérèse, est connu de sa famille à Boissey (14) depuis le début du XXe siècle.

Des grains rosés comme de petits yeux

L’ ′Œil de Perdrix, haricot plus tardif, sans jamais de fil et même lorsque le grain est formé.

'Prudon' ou 'Prudent' découvert en Cotentin

Le ′Proudon′, confié par lassociation des Jardins familiaux de Saint-Lô (50) en 2005 avec ces précisions : « Variété connue des vieux jardiniers du Cotentin sous le nom de  « Prudent » ou « Prudon ». Variété remontante qui produit une deuxième fructification. Très tendre et sans fil jusqu’à un état avancé de sa maturité. »

′Petit carré de Caen′ à rames
Le cultivateur grainier           A. Lenormand dans son Catalogue général de graines et plantes (Caen, 1909) précise : « Une des meilleures variétés de haricots mange-tout. Grain très fin, de qualité tout à fait supérieure, très productif. »

Le ′Petit carré de Caen′

Au milieu du XIXe siècle, le président de la société d’horticulture de Caen, Gustave Thierry, envoie une note enthousiaste aux sociétés voisines : « Cet excellent légume, le meilleur sans contredit, est essentiellement normand et de plus bas-normand… Son grain est petit, aplati aux extrémités, presque carré… »
Le cultivateur grainier A. Lenormand dans son Catalogue général de graines et plantes (Caen, 1909) précise : « Une des meilleures variétés de haricots mange-tout. Grain très fin, de qualité tout à fait supérieure, très productif. »
′Petit carré de Caen’ ou ′Prédome nain blanches′ (Catalogue A. Lenormand, Caen, 1909 ) Haricot nain blanc ′Petit Prédome′ (Catalogue R. Guesdon, successeur Maison Bazin Simon fondée en 1820, Sourdeval-la-Barre, 1924-25) Petit carré de Caen’ à rames, « variété très répandue en Normandie, de qualité excellente, et de grande production, les cosses peuvent encore être consommées le grain étant entièrement formé » (Catalogue E. Rosette, Caen, 1928)
Petit carré nain de Caen’ (Catalogue A. Heusse, successeur Maison Bassière, Lisieux, 1937)

Nous recherchons  :
– le haricot à rames blanc de Domfront et le haricot jaune à rames de Domfront
– le haricotProlifique de Lisieux’ : «  Cette variété complètement inconnue, d’une vigueur sans précédent, produit en abondance des aiguilles fines longues de 15 cm environ. » (Catalogue A. Heusse, successeur Maison Bassière, Lisieux, 1937)
Les cocos
Coco 'Jaune de Chine'

Coco ′Jaune de Chine′ (Catalogue A. Lenormand, Caen, 1909)

Coco 'de Pont-Audemer', grain bigarré

Coco de Pont-Audemer′, coco nain

Le coco ′La Passion′ nain a été découvert à Condé-sur-Noireau en 2005.

'Noir de Créances'
'Soissons' à gros grain blanc
'Saint-Sacrement' à rames

Le ‘Noir de Créances’ a été confié à Montviette Nature en 2018, à l’occasion d’une bourse d’échanges  au Jardin Conservatoire, par une famille venue du Cotentin. Il serait le haricot ‘d’Espagne à grain complètement noir’ (description dans Les Plantes potagères de Vilmorin-Andrieux, 1904, p. 338). Il produit de puissantes racines. Pour être consommé, ce haricot demande plusieurs cuissons. En Cotentin, on en faisait une « soupe sale » : la teinte du grain se diffuse dans le bouillon et le colore en brun…

Le ‘Soissons’, surtout cultivé pendant l’Occupation dans toute la Normandie. Sa fleur est blanche ou orange.

Le ‘Saint-Sacrement’ à rames est le haricot de la « Légende des pois marqués » à Argentan.

Les flageolets

Deux variétés de flageolets ont été collectées en Calvados et dans l’Eure.

'Flageolet à rames' découvert à Balleroy (14)

Le ′Flageolet à rames’ est un haricot très vigoureux. Fleurs blanches. Longues gousses. Les grains sont faciles à conserver.

'Flageolet à feuilles d'ortie' découvert à Bernay (27)

′Flageolet à feuilles gaufrées’ a été retrouvé sur le marché de Bernay en 1998 (Catalogue A. Heusse, successeur Maison Bassière, Lisieux, 1937  et catalogue A. Lenormand, Caen, 1909)
Flageolet blanc à feuille d’ortie ou gaufrée′ (Catalogue R. Guesdon, successeur Maison Bazin Simon, Sourdeval-la-Barre, 1924-1925)

Le haricot ‘Blanc de Maltot’

Le Conservatoire de la ferme de Sainte-Marthe, lors du colloque du mois d’octobre 2020 à Saint-Pierre-sur-Dives, nous a confié le haricot ‘Blanc  de Maltot’. Il sera remis en culture et présenté au Jardin Conservatoire à Saint-Pierre-sur-Dives.

Le 'Blanc de Maltot' est un mangetout au grain blanc allongé.