Archives pour la catégorie Plantes sauvages

Les plantes de la guerre

« On a manqué de tout dès le début de la guerre. J’avais treize ans quand la guerre a commencé. » Marguerite, Montviette (14)
Les restrictions :
Janvier 1940 : premières pénuries alimentaires.
12 juillet 1940 : création d’un ministère de l’agriculture et du ravitaillement.
7 décembre 1940 : les services du rationnement sont mis en place dans les départements.
Dès le début de l’Occupation allemande en Normandie (mai 1940), la population manque de denrées essentielles, comme le blé, le pain, les pommes de terre, le sucre, l’huile ou le savon, mais aussi le café et le tabac. Alors on les remplace par des plantes de substitution.
« Au pensionnat à Livarot, à la rentrée de 1940, on nous servait au réfectoire des bettes justes cuites dans l’eau, sans aucun assaisonnement. C’était particulièrement mauvais ! » Denise, Madeleine Même si  « en ferme, on avait ce qu’il fallait. » Raymond

Carte de vin, Deauville, coll. Montviette Nature

Le pain noir 

« Les réquisitions, ça venait du gouvernement dans les mairies. Ils réquisitionnaient selon la grandeur de l’exploitation. On était imposés à donner aux coopératives du blé, de l’avoine, de tout, un peu de tout. » Vendeuvre (14)
« On faisait du pain d’orge, car le blé était réquisitionné. Dans la farine d’orge, il y avait des barbillons. Ça nous blessait les gencives. » Escures-sur-Favières (14)
« Dans l’Eure, pendant l’Occupation, on portait le grain et on revenait chercher la farine. » Yvonne
« On portait notre grain au moulin de Vicques. On allait porter le jour. «  Vous revenez dans deux jours.«  Il avait du boulot : tout le monde apportait du grain à moudre. » Raymond
« On a réparé les fours avec de l’argile et on a cuit le pain dans les fours. » Laurent, Orne
« Selon les familles, on avait la carte de pain. »
« Pour le repas de communion, on n’avait que du pain noir à l’époque. Nous, on est allés ramasser du blé à la campagne où il restait des trésiaux (gerbes de blé debout rangées en rond). Il ne fallait pas toucher aux trésiaux. Et on glanait dans le champ.
On est allés au moulin d’Ouville (Ouville-la-Bien-Tournée). La farine, on l’a donnée à Monsieur Clément, le boulanger. Il nous a fait du pain blanc. Pour nous, c’était une fête. » Marie-Thérèse, Donville, Saint-Pierre-sur-Dives (14)
« On a mangé du sarrasin, en bouillie. » Lisieux (14)
« Chez le boulanger, si le pain ne faisait pas deux kilos, il y avait un pain dans lequel le boulanger prenait un bout : le « pain de pesée ». » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
« Pendant la guerre, les boulangers ont attrapé la gale du pain. Ils avaient des croûtes sur les mains à cause de la farine qui était si mauvaise. » Montviette, Garnetot (14) 

Epis d'orge

Rutas et topinambours 

Avant l’Occupation, rutabagas et topinambours étaient cultivés comme plantes fourragères.
Le topinambour servait à l’engraissement des cochons. Dès 1940, il est consommé à la crème, à la vinaigrette ou avec seulement de la moutarde. « On a mangé des rutabagas en frites. Rien n’était perdu : les tiges et les feuilles étaient données aux lapins. »
« On a cultivé des haricots ‘Soissons’ à très gros grain. On les cultivait en grand. » Témoignages Jardin Conservatoire

Laisser de la terre pour les pommes de terre 

Dès 1941, « il a fallu laisser de la terre pour cultiver des pommes de terre en grand. » Livarot (14)
À Saint-Pierre-sur-Dives, tous les terrains en friche de la ville sont répartis en lots de 200 mètres carrés et confiés aux personnes qui veulent cultiver des légumes. Délibérations 1941 et 1942 (Archives communales)
« On mangeait des radis noirs, des bettes et des betteraves aussi. C’était cultivé sur le terrain de sport. » Saint-Pierre-sur-Dives (14)
« On a mangé la moelle des choux à vache, juste bouillie avec un peu de beurre. » Avranches (50), Témoignage Jardin conservatoire , 1er mai 2009
« Pendant la guerre, une partie du jardin a été cultivée en ‘Soissons’ et l’autre en pommes de terre. » Témoignage Jardin Conservatoire
« Ça germe ; il fallait égermer. Pour cultiver, on ne mettait en terre que les yeux des pommes de terre. » Témoignage Jardin Conservatoire
Entre les pages d’un Manuel de culture potagère publié en 1943, son propriétaire de l’époque a glissé un  « Plan de culture du jardin pendant l’Occupation, (42, 43) » annoté de méthodes de semis des scorsonères, navets, carottes et poireaux. E. Delplace, Manuel de culture potagère, E. Meyer éditeur, Paris, 1943. (Collection Montviette Nature) 

Chou à vache ou chou fourrager, Catalogue graines Le Paysan, 1947
Plan jardin d'Occupation (42 43), coll. Montviette Nature
Les jardins scolaires 

En février 1943, une circulaire de l’inspection académique du Calvados impose la création de jardins scolaires en ville comme à la campagne pour contribuer au ravitaillement national.
À Montviette, l’instituteur ouvre son jardin, situé devant son logement, aux élèves et fait un reportage photographique.

Des plantes sauvages :

« Sur le marché de Vimoutiers, on faisait passer des racines de consoude pour la scorsonère géante de Russie !» raconte Jean Bréteau.
« Les nonottes, c’est comme du radis blanc, tout petit dans les herbages. Ça pique un peu. Les gamins les ramassaient sur les talus. » Falaise, Trun (14) – Bailleul (61)
La génotte, ou noisette de terre (Conopodium majus, Apiaceae), est une petite plante assez commune. Elle pousse en bord de forêt, sur sols acides et légers. Son tubercule est comestible. 

« Du sucre avec du jus de pomme » 

« Pas de sucre. Le sucre, c’était pour les Allemands. » Vendeuvre (14)
« Au début de la guerre, dans la première maison où je travaillais, aussitôt on a manqué de sucre. » Toutainville (27)
« On a cuit de la rhubarbe sans sucre, de la compote sans sucre. Depuis, je n’ai plus mangé de rhubarbe. Rien que le mot rhubarbe… » Hélène, Caen
« On faisait une confiture de carottes à confiture, des carottes violettes, auxquelles on ajoutait un quart de pommes sures. » Grandmesnil (14)
Dans toute la Normandie, dans les fermes, on a fabriqué de la « compote de cidre » ou du « sirop de cidre » pour remplacer le sucre : « Mon père fabriquait du sucre avec du jus de pomme. On coupait des pommes dedans. On les cuisait très longtemps, dans une bassine en cuivre. Quand il était réduit, on arrêtait et on le mettait en pots. Ça faisait un sirop épais. On mettait des pommes de Duret. Ça n’avait pas tellement le goût de pommes, mais ça sucrait. » Marguerite, Montviette (14)
« Le sirop de cidre avec du cidre doux cuit, ça épaississait et on mettait en pots. » Vaudeloges (14) 

Sirop de cidre, reconstitution

Lierre et herbe à savon 

« On a fait du savon avec de la soude caustique, du gras de bœuf et une grosse poignée de feuilles de lierre. Elles cuisent, on ne les retrouve pas. Il faut faire bouillir longtemps avec un peu d’eau. Puis on versait dans un bidon coupé. Quand c’était bien froid, on coupait des morceaux. On laissait sécher sur une planche jusqu’à ce qu’ils ne collent plus. » Sainte-Marguerite-de-Viette (14)
« Pendant l’Occupation et bien après la guerre, on a refait la lessive à la cendre. On mettait le linge à tremper dans la cendre. Ils frottaient, rinçaient au lavoir. » Montviette. Le Pin (14)
« Ma mère me lavait le visage avec de l’herbe à savon. » Flers (61) 

Herbe à savon ou saponaire
Le tabac : « On a fumé des feuilles de noyer. » 

« On a manqué de tabac. Il fallait un ticket. J’avais l’âge d’avoir le droit à la carte ; j’avais un paquet de gris à rouler tous les mois. » Laurent
Le tabac a aussi beaucoup manqué. Certains on pu se procurer des graines en Belgique. « On avait droit à sept, huit pieds. Un grand tabac difficile à faire sécher. » À défaut, d’autres ont dû rechercher des plantes à sécher. « On a fumé des feuilles de topinambour et des feuilles de noyer. Il fallait les faire sécher et les couper en petits morceaux pour mettre dans la pipe. » Saint-Pierre-de-Mailloc (14)
« J’ai fumé des feuilles de pomme de terre. » Lisieux (14) 

Feuille de noyer
La cantine d’Occupation 

« Ils ont tiré la faim du ventre des gamins… » à Saint-Pierre-sur-Dives (14) 
« À l’époque de l’Occupation allemande,  on était une famille nombreuse, on était sept gamins. À Saint-Pierre, un couple qui n’avait pas eu d’enfants a ouvert une cantine pour les grandes familles. On avait du pain, du pain un peu mieux. » Marie-Thérèse
« Monsieur Gustave allait dans les fermes chercher des pommes de terre. Je me souviens : on mangeait du boudin et de la purée. Ils nous ont tiré la faim du ventre, et à tous les gamins. On n’était pas moins d’une quarantaine et pendant toute la guerre… »
« La cantine était entre l’église et l’école. C’était comme une grange. La cuisine était dedans. La mère d’un des enfants faisait toutes les peluches et son fils Lucien venait l’aider. » Marie-Thérèse, Monique, Saint-Pierre-sur-Dives (14)
Arthur Gustave, 1877-1950, est élu adjoint au maire en 1941. Avec son épouse, ils mettent en place la « cantine d’Occupation » dans un bâtiment près de l’abbatiale, aujourd’hui disparu. Arthur Gustave a reçu la médaille d’argent de la reconnaissance française à titre civil pour bon fonctionnement des services administratifs du 6 juin au 20 août 1944. 

La cantine d'Occupation, Saint-Pierre-sur-Dives, 1941, coll. Montviette Nature
Le « café de jardin » 

Depuis 1920, les familles ont pris l’habitude de boire un café, au moins le dimanche.
Le café vert est torréfié dans les bourgs. Dès 1940, il est remplacé :
« On grillait de l’orge ; des fois, des glands. Un bonhomme a fait du café avec des carottes jaunes coupées en rondelles et moulues… »
« […] aux environs de Domfront (Orne), on cultivait […] deux plantes à l’usage exclusif de la fabrication du café, une Fève et un Lupin. […] J’ai retrouvé des carrés de Lupins à café, en 1940, dans des jardins paysans à Domfront et La Haute-Chapelle (Orne).
[…] le Lupin bleu […] est parfois cultivé dans le Centre comme Lupin à Café […] On le connaît sous le nom de Pois café ou de Café turc. […] Les graines sont petites […] d’un gris-blanc, avec des marbrures d’un brun noirâtre… » Auguste Chevalier, « Deux légumineuses cultivées dans quelques jardins paysans de Basse-Normandie pour la préparation d’un faux-café », Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, Année 1941, p. 123-127.
« Enfants, pendant et bien après la guerre, on nous envoyait récolter à la campagne deux ou trois rangs d’une fève très grande, cultivée pour le café. Les gousses étaient mises à sécher à l’abri. Le grilloir que l’on se passait de ferme en ferme, ou que l’on empruntait à l’épicerie du village, était un cylindre qui tournait au-dessus de la braise. Ce café était très gras. Un autre produit de remplacement du café fut la carotte jaune : on les coupait en tranches minces pour les griller au four jusqu’à ce que les morceaux soient cassants et d’une belle couleur marron. On peut alors les moudre. » Saint-Frimbault (61) 

Grilloir à "café de jardin", coll. Montviette Nature
 Remplacer l’huile

« Pendant la guerre, l’huile c’était rare. » Renée, Grangues (14)
« Avant, on avait de l’huile d’olive, achetée en bonbonnes de cinq litres en verre et recouvertes de liège. On la mettait en bouteilles au fur et à mesure qu’on en avait besoin. » « L’huile on la remplaçait par de la crème pour la vinaigrette : une cuillère de crème, vinaigre, sel, poivre. » Montviette (14) 

Du vinaigre pour mariner 

« On a mangé du renard… Mon père le mettait toute la nuit dans le vinaigre. On avait du mal à s’y faire. Ma mère l’a fait mariner toute la nuit. Elle mettait ses morceaux à mariner dans le vinaigre avec des oignons, de l’ail, comme du civet. » Saint-Pierre-sur-Dives (14) 

Des fleurs à la Libération 

« On a donné des bouquets de fleurs aux Canadiens.» Jort (14)
« Une fleur, une seule, comme ça une rose. » Falaise (14)
« La veille, il y avait eu la tragédie de Saint-Michel-de-Livet. Une famille avait offert des fleurs aux Anglais. Des Allemands cachés les ont vus et les ont tués. Seuls survivants : une fille et un petit réfugié cachés sous un lit. Donc on n’a pas donné de fleurs aux Anglais. » Montviette (14) 

Autel des prisonniers et oratoires 

« Pendant la guerre, le curé Ménager avait dressé un autel dans l’église de Montviette (14).  On priait pour eux tous les dimanches. » Roger
« Après la Libération, les réfugiés de Saint-Georges-en-Auge (14) ont construit un oratoire à la Vierge, pour remercier d’avoir été épargnés. » Thérèse
À Saint-Pierre-sur-Dives (14), un autre oratoire à la Vierge est aménagé dans le mur du manoir des Roches. 

Bien après la guerre 

1er novembre 1945 : suppression de la carte de pain.
28 décembre 1945 : rétablissement de la carte de pain.
1er mai 1947 : la ration officielle de pain est fixée à 250 grammes par personne.
« Les tickets, ça a encore duré un moment.
« J’ai fait ma communion en 1947. Chacun amenait ce qu’il pouvait avec des tickets. On n’a pas fait de      menu. » Hélène, Caen 

Carte de pain, 1949

Petits usages du noisetier

« Dans les haies, des noisetiers il y en a partout » raconte Raymond.  D’autres l’appellent « la coude » ou « le coudrier ». Pour le paysan ou le jardinier, le noisetier présente de nombreux atouts : c’est un bois souple, facile à travailler qui  convient bien pour les objets longs.
Les enquêtes menées auprès des anciens en Normandie ont révélé qu’une vingtaine d’objets étaient  facilement fabriqués.
A la ferme : Gaule, réquêt ou gaulet, perche, tendeur à peaux de lapin, manches d’outils, hart, fourchet, trique, baguette de sourcier, bâton de marche.
Au jardin : Cordeau, pique-chou, rames à haricots, rames à pois.
Jeux d’enfants : Lance-pomme, lance-pierre, bûchettes

Gaule à pommes : Les noisetiers les plus vigoureux poussent bien droit. On peut ainsi confectionner de longues gaules légères. Pour gauler les pommes, il ne faut pas frapper sur les branches comme une brute mais utiliser la flexibilité du bois de noisetier pour agiter les branches sans abimer les bourgeons.  A la fin de la saison, les gaules sont remisées à l’arrière du pressoir ou de la grange.
Quand on est assez jeune et peu enclin au vertige, on monte dans les pommiers les plus chargés en fruits pour abattre les pommes. On se sert alors d’une courte gaule, le réquet,  pour atteindre les fruits peu accessibles. « Quand mon père secouait une grosse branche, il pouvait faire tomber une « pouche » de pommes. » Le Pin  « J’ai un gaulet, petite gaule à pommes pour monter dans les pommiers ». Saint-Martin-de-Fresnay
Dès la fin du mois de juillet, les pommiers commencent à ployer sous le poids des fruits. Pour éviter que les branches ne se brisent, on les soutient avec des perches. Les pommes sont ainsi hors de portée des vaches même si on les entrave avec des « piétins ».

Ce petit bâton fourchu permet de redresser « l’herbe versée » quand on fait les talus, la faucille d’une main, le fourchet dans l’autre.

« Pour faire les harts, en général c’était la coude. Mais aussi avec les repousses  de chêne. Le père Couraye, il avait le coup, il en faisait en moins de deux pour lier les fagots. Ça se fait quand la sève marche. En mars, avril, ça se tordait mieux.  On faisait à mesure. En général,  c’était solide. Ça ne coutait pas cher, mais c’était moins rapide que le fil de fer.  C’était surtout pour faire des bourrées au pied, tu appuyais au pied, ça serrait, on tirait dessus avec le hart. J’aimais ça. » Francis,  Saint-Pierre-de-Mailloc

Tendeur à peaux de lapin ; Autrefois dans les fermes, lorsque l’on tuait un lapin, sa peau était mise à sécher dans un grenier sur un tendeur ou une fourche en noisetier dans l’attente du passage du marchand de peaux de lapins. Le prix de vente des peaux était dérisoire. « Ma mère nous remettait cette maigre recette qui était placée dans notre tirelire ». Le Pin

Quand on coupe une haie, on sélectionne les branches les plus droites et au diamètre adéquat pour confectionner tous les manches d’outils qui cassent fréquemment, de la binette à la fourche à fumier. On pèle  l’écorce du bois encore vert à la plane, « sur le banc à planer pour écorcer le noisetier ou peler le noisetier ». Ablon

« Je tresse trois pousses de coude ensemble. Je les attache et les laisse pousser au moins deux ans. Ça  fait une jolie canne ». René, Grandmesnil
« Mon père refaisait les barreaux des râteliers avec du noisetier pelé. » Renée, Saint-Désir-de-Lisieux
Le sourcier, celui « qui a le don de trouver l’eau» utilise uniquement une baguette fraiche de noisetier qu’il cueille dans la haie la plus proche. «  Dans ma ferme, quand j’ai décidé de creuser un puits pour abreuver tous les animaux, le patron de l’entreprise de forage a déterminé l’endroit où creuser avec une baguette de sourcier. » Saint-Pierre-de-Mailloc, 1990
Quand on change les veaux ou les bœufs d’herbage, il faut avoir une bonne trique pour les faire avancer, les arrêter ou les empêcher de se diriger dans une mauvaise direction. A utiliser avec modération. On ne frappe pas les vaches laitières que l’on doit pouvoir approcher chaque jour pour les traire. En revanche, on ne pénètre jamais dans la cour au taureau sans une grosse trique qui stationne toujours à l’entrée de l’herbage.

Pique-chou en noisetier

Le « haricot à rames » est une plante grimpante qui a besoin d’être tuteurée « Dès que les haricots réclament les rames ». Ils s’enroulent autour de baguettes de noisetier fixées deux par deux par le jardinier. L’hiver venu, les rames sont soigneusement remisées pour être réutilisées l’année suivante.
Contrairement aux haricots, le pois s’accroche aux rames avec des vrilles comme la vigne. Les branches d’orme en forme d’arrête de poisson convenaient bien pour le soutenir. Le noisetier a remplacé l’orme disparu des haies vers 1980.
« Mon grand-père était fier de montrer ses poireaux alignés « au cordeau ». Manerbe

Bûchettes en rameaux de noisetier dans un cahier de 1937, école de Grandmensil (14)

« Quelques jours après la rentrée des classes du cours préparatoire,  la maîtresse  nous a demandé d’apporter une dizaine de buchettes pour apprendre à compter. » Ecole Le Pin, 1963
Les « mauvais gamins » fabriquent facilement des lance-pierre qui peuvent s’avérer dangereux. Les plus intrépides s’en servent pour casser les carreaux des maisons abandonnées. « J’étais très adroit avec le lance-pierre. J’abattais un pigeon à 20 mètres, mieux qu’avec un fusil. » Pont-L’évêque.  « Dans les élingues, des fois on mettait des billes. » Thiéville.  « Lance-pierre pour tirer les merles ». Patrick, Clarbec
« Quelques jours après la rentrée des classes du cours préparatoire,  la maîtresse  nous a demandé d’apporter une dizaine de buchettes pour apprendre à compter. » Ecole Le Pin, 1963
Le lance pomme sert à multiplier la forme du bras.

A découvrir l’atelier découverte « Les petits usages du noisetier » sur les évènements à suivre…

Plantes magiques

Faire de mauvaises blagues en utilisant des plantes sauvages communes était le jeu des farceurs mais aussi des sorciers…

 

Avec les grandes herbes

Quand les gens circulaient chaque jour par les chemins de Normandie, ils se livraient parfois ou étaient victimes de cette farce : de chaque côté du chemin, on choisit de longues herbes que l’on attache ensemble.

Alors au crépuscule, l’écolier qui rentre chez lui, la trayeuse ou l’homme de journée qui s’en revient du travail, se prennent les pieds dedans et  tombent.

Se rendre invisible

On racontait aussi que l’on pouvait se rendre invisible !

Pour cela, il fallait fabriquer une potion, mais pas n’importe laquelle.

Il fallait recueillir des spores de fougère quand elles se détachent de la fronde… mais avant qu’elles ne touchent le sol.

Cette récolte est presque impossible et le reste de la recette demeure secret…

L’herbe éguérante

On craignait aussi de rencontrer le sorcier, surtout à la lisière des bois. Le fourbe aborde le passant, fait innocemment un bout de chemin avec lui, mais s’arrange pour le faire marcher sur une plante qui semble anodine. En fait, il s’agit de l’      « herbe éguérante». Le passant est alors incapable de retrouver son chemin et se perd dans le bois.
L’herbe éguérante n’est autre qu’une potentille (Potentilla erecta) des terres acides  qui pousse uniquement à la lisière des bois de feuillus et qu’on appelle « tormentille » ou « tourmentine ».

Sa fleur devrait avoir cinq pétales comme les autres potentilles, mais elle n’en a que quatre. On ne sait pourquoi.

Une anomalie botanique

Cette anomalie botanique n’égare pas que les marcheurs. Dans un bulletin de l’association d’art et d’histoire Le Pays Bas-Normand à Flers en 1911, J. Lechevrel rapporte qu’après avoir chanté et dansé autour du feu de la Saint-Jean « filles et garçons voient avec mélancolie la flamme s’éteindre […] C’est fini, malheur à qui s’attarde dans l’effusion d’une dernière étreinte, l’herbe « éguérante » cachera son chemin, il tombera de fatigue mystérieusement, attiré par les brindilles à l’étrange pâleur. » ( J.  Lechevrel, « La chanson populaire au pays bas-normand »Le Pays Bas-Normand, n° 3,  juillet 1911, p. 125)
Ne pas marcher sur la « tourmentine » ! C’est une     « mal herbe », l’herbe éguérante. Elle pousse en cercles dans toutes les forêts, sauf celles à conifères, et se cueille l’été. (D’après Anne Marchand, conteuse – Société historique de Lisieux)

Houlque laineuse
De bonnes blagues

Aujourd’hui les blagues sont plus raisonnables, comme de faire goûter une prunelle (Prunus spinosa) à un innocent à la fin de l’été quand sa chair paraît mûre, délicieuse et attirante, mais, en réalité,  s’avère horriblement astringente !

Au cours d’une balade, lorsque l’on voit des graminées bien mûres, comme la houlque laineuse (Holcus lanatus),  le plaisantin peut proposer de confectionner des paniers en tressant de manière savante quelques tiges de graminées ramassées.
Pour tresser ces brins, il réclame  de l’aide. Il croise alors les herbes dans la bouche de sa victime, lui demande de serrer un peu, juste ce qu’il faut,  et… tire d’un coup sec.

« Holcus lanatus, une des trente espèces les plus répandues dans la région. »

La houlque laineuse pousse dans les prairies et sur les talus, au bord des chemins de Normandie.

Michel Provost, Atlas de répartition des plantes vasculaires de Basse-Normandie,
Presses universitaires de Caen, 1993.

Herbes à salade

Laitue, chicorée, mâche sont les trois types de plantes cultivées au jardin pour préparer la salade. Les inventaires de petits jardins ont prouvé qu’il en existait bien d’autres, ainsi que des plantes que l’on allait  ramasser sur les talus et dans les dunes…

Chicorée frisée fine de Rouen (Graines Le Paysan, 1947, coll. Montviette Nature)

La salade n’est pas un genre de plante mais une préparation culinaire  au sens de « herbes salées » de l’italien herba salata.

Le terme de salade, qui apparaît au XIIIe siècle, en dérive et s’est ensuite appliqué aux plantes elles-mêmes préparées avec du sel, de l’huile et du vinaigre.

Dans certaines familles de Normandie, on ne parle pas de vinaigrette mais de « salade à l’huile et au vinaigre ».

Bernadette précise : « Chez nous,  on mangeait de la salade tous les soirs du printemps et de l’été. » Et les salades peuvent varier. À côté de la laitue ‘Brune du Perche’ ou de la ‘Laitue de Flers’ : « Au printemps, on va cueillir des pissenlits mangés avec des œufs durs et des pommes de terre. »

Laitue de Flers, très rustique (Dernière trouvaille de Montviette Nature)
Laitue 'Brune du Perche', don du Conservatoire de Sainte Marthe
Herbes  sauvages du bord de mer

Sur le littoral, au bord des dunes, « on ramasse de la roquette et du plantain corne de cerf » mais aussi sur des talus exposés au soleil comme à Courménil (61). La roquette est une espèce vivace qui pousse dans les terrains sablonneux et en bord de mer. Elle est très fréquente autour d’Arromanches (14), Agon-Coutainville (50). Sa fleur est d’un jaune soutenu, la fleur est légèrement amère et poivrée. Le plantain corne de cerf pousse à l’état sauvage dans les mêmes types de sol en compagnie du pourpier d’été, sorte de petite plante grasse. Toutes ces plantes ont été  commercialisées au début du XXe siècle. Elles figuraient aux catalogues de A. Lenormand et E. Rosette à Caen, et de A. Heusse à Lisieux…

Roquette vivace à Agon-Coutainville (50)
Plantain Corne de cerf, à Courménil (61)
Pourpier d'été ou pourpier vert
Herbes  sauvages des talus

À l’intérieur des terres, dans les jardins, on cultive le  cresson de jardin, petit cresson annuel à fleurs jaunes en épis. Roquette et cresson de jardin sont très poivrés et viennent plutôt en accompagnement de laitue, tout comme la pimprenelle à salade que l’on peut aussi ramasser sur les talus secs.

Quelques petites herbes à  réintroduire au jardin, à retrouver lors des bourses aux plantes ?

Pimprenelle, Pontchardon (61)
Cresson de terre ou de jardin
Chicorée de Louviers catalogue Rosette Caen 1928

La guimauve

Plante des terres humides et du bord de mer,  en Normandie la guimauve a longtemps servi de plante remède.

Embarquée sur les navires

Au XVIIIe siècle, un chirurgien navigant à bord de bateaux négriers au départ d’Honfleur précise dans ses notes qu’il embarquait des fleurs de guimauve. Elles étaient  ajoutées à des violettes et des graines de lin pour soigner les marins. « Pour lutter contre la gonorrhée virulente ou chaude pisse, des saignées associées à des boissons adoucissantes telles qu’infusions de graines de lin, de fleurs de guimauve, de bouillon de violette. » (Bruno Dubois, « Le chirurgien navigant à bord des navires négriers armés à Honfleur au XVIIIe siècle », Le Pays d’Auge, novembre 1995)

Depuis quelques années, après une période d’oubli, les jardiniers l’ont adoptée au jardin comme plante ornementale. Elle s’adapte très facilement même dans les sols un peu secs.

La guimauve officinale se plaît dans les marais salés du bord de mer de Granville à Rouen,  dans l’embouchure de la Sélune, de l’Orne et sur les rives de la Seine. À l’intérieur des terres, elle se cantonne à quelques zones humides le long des berges de la Touques.

 

« Le père Landry avait de la guimauve dans son jardin. Quand on avait mal à la gorge ou une angine, on allait  en chercher chez lui. »  Sainte-Marguerite-de-Viette

La guimauve (Althaea officinalis, Malvaceae), cette plante au feuillage tout doux, aux fleurs rose pâle, a aussi été cultivée dans les jardins, car on en faisait grand usage dans la pharmacopée familiale.

Quand les dents des petits perçaient, « on leur donnait de la racine de guimauve à mâchonner ».

En 1887, Louis Lescène, le pharmacien de Livarot, note dans son ordonnancier qu’il a « délivré 125 g de  poudre de guimauve ». En juillet 1899, il prépare « 300 g de guimauve pour des décoctions ». Les  prescriptions de cette plante seront très fréquentes jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Au XIXe siècle, les médecins prescrivent de la poudre ou des décoctions  de guimauve pour différents petits maux. (Extrait d’un des ordonnanciers de 1876 à 1945, archives de la pharmacie Lescène, Livarot. (Coll. part.)

Trop rare genévrier

Le genévrier pousse à l’état sauvage dans les bois, ou plutôt il y poussait, car son arrachage depuis plus d’un siècle l’a presque fait disparaître des  forêts de Normandie.  

En 1846, selon le botaniste Durand-Duquesney,  il était  commun en Pays d’Auge et à l’est de Lisieux, poussant « dans les bois et les coteaux arides ».  Aujourd’hui, le botaniste Michel Provost constate que « cet arbuste thermophile est maintenant assez rare en Basse-Normandie et même inexistant dans la Manche » .  (Atlas des plantes vasculaires de Basse-Normandie, Presses universitaires de Caen, 1993)
Pourtant au XIVe siècle le coutumier d’Hector de Chartres rapporte qu’en forêt de Brix et en forêt de Gavray (situées dans l’actuel département de la Manche), les paroissiens sont autorisés à prélever le saule, le saule marsault, les épines, le sureau, l’aulne, le genêt, le genévrier et la ronce. En revanche, aucune mention n’en est faite pour les massifs forestiers du Pays d’Auge.
« À Montviette, à l’emplacement du bois près du Cabaret aux cènes, il y avait des genévriers qui ont disparu. » Ce  témoignage,  recueilli lors de l’enquête sur les arbres en 1995-1996, confirme leur déclin. Aujourd’hui toutes les stations sont en très nette régression. Est-ce dû au fait de leur utilisation trop intense ?

Utilisé dans les fermes

Autrefois le genévrier était utilisé dans les fermes : « A l’arrière- saison, on brosse les tonneaux à cidre avec les branches du genévrier. On en avait un pied dans la cour.
Roland de Neauphes-sur-Dives nous indique qu’ « on en avait un pied dans un coin du jardin ». Souvent les genévriers « ont été arrachés dans les bois pour être replantés dans les cours de ferme. On s’en servait pour préparer les pots à lard ».
Aujourd’hui, dans la forêt de Montpinçon, il n’en subsiste que deux pieds. Un autre a été préservé dans une haie à Montviette. Tous trois sont peu vigoureux.

Quand on tuait le cochon

À Pont-l’Évêque, quand on tuait le cochon, on préparait « une infusion de baies de genévrier pour nettoyer les pots à lard ».
D’autres témoignages précisent que pour nettoyer les pots à lard « on utilisait aussi une décoction de feuilles et de tiges dont on frottait les parois avant d’y mettre le cochon à saler ». Dans certaines maisons, on ajoutait une branche de genévrier dans la saumure avec le thym et le laurier.

De l’usage des baies de genévrier

À Notre-Dame-de-Courson, « on allait ramasser des baies de genévrier dans les bois. On en faisait un digestif », raconte Colette.
Dès le  XIIe siècle, les baies du genévrier servent à soigner. Le Livre des simples médecines préconise : « Contre les flux de ventre […] baigner le patient jusqu’au nombril dans de l’eau de pluie où ces semences de genièvre auront cuit et frotter ces parties du corps avec de l’eau chaude. Du genévrier on faisait de l’huile qui était efficace contre la fièvre quarte, l’épilepsie ou les douleurs de boyaux. »
Le mardi 31 décembre 1555, Gilles de Gouberville relate dans son journal qu’il est souffrant. Ses serviteurs  « s’en allèrent au matin à Cherebourg. Pour une unse de mélilot et de l’uyle de genèvre pour mettre sur [son] estomac. »

Les épines

En Normandie, l’aubépine partage avec le prunellier le nom d’ « épinette », qui désigne un buisson épineux.

Les épines servent à « clore » 

Les épines étaient utilisées pour clôturer les haies. Dans sa délibération du 23 décembre 1859, le conseil municipal de Saint-Pierre-sur-Dives fixe les « tarifs des droits à percevoir sur le marché, sous les halles, dans les rues et places publiques de la ville, soit 0,40 franc par 6 mètres de terrain occupé, ou censé l’être, par chaque charretée d’épine noire pour la clôture des haies… ».

A Montviette, un chemin creux qui part du bourg et monte vers le plateau s’appelle le « chemin de l’Épinette ».

Le tour des mares doit être infranchissable

La plupart des mares qui ont été creusées sur les plateaux du Pays d’Auge ont été protégées par des épineux. On les appelle les « mares closes ». L’arbuste le plus fréquemment planté est le prunellier, mais on rencontre aussi de l’aubépine. Sur le bord du chemin, la haie doit être impénétrable.

Autrefois, la haie fixait la limite de la propriété de la parcelle, mais il arrivait qu’un seul pied d’épine suffise à la borner.

Son bois très dur était utilisé par les tourneurs pour confectionner de la vaisselle en bois.

L’épine blanche et l’épine noire

L’épine noire n’est autre que le prunellier (Prunus spinosa) aux dards extrêmement piquants.

Elle est en fleur dès le mois de mars, tandis que l’épine blanche fleurit en mai. On dit que « quand l’épine blanche fleurit, le froid revient ».

Photo Rodolphe Murie
L’épine à la Vierge

L’aubépine (Crataegus laevigata et Crataegus monogyna) est un arbre consacré à la Vierge, appelé aussi « épine à la Vierge ». Il  était planté près des lavoirs. Les mères y  mettaient à égoutter les linges des nouveau-nés afin de les protéger.

Près de Saint-Pierre-sur-Dives, pour le traitement des rhumatismes, on recommandait de « frictionner l’articulation douloureuse avec des fleurs d’aubépine ».

Au Mesnil-Durand, le fruit de l’ « épine blanche », préparé en confiture, soignait la bronchite.

L’Épine à la dame

Un arbre appelé l’ « Épine à la dame » est toujours visible à la sortie du village de Préaux-Saint-Sébastien pour rappeler un drame survenu ici au milieu du XVIIe siècle. Dans l’église, une plaque rappelle également cet événement tragique. À l’issue du pèlerinage à Préaux-Saint-Sébastien, deux groupes de pèlerins  quittaient l’église. Mais  l’un voulut devancer l’autre. Dans la mêlée qui s’ensuivit, un homme de la procession de Falaise provoqua la mort d’une femme de la procession de Ticheville.

Le tribunal ecclésiastique décida que la ville de Falaise ne viendrait plus à Préaux, mais qu’elle enverrait chaque année, en réparation, une délégation de bourgeois et de deux prêtres. Ils s’arrêteraient devant l’épine plantée à l’endroit de la tragédie, sans aller plus loin.

Dans les jardins et les parcs fleurit l’épine rose parfois double…

Chêne et gland

Les chênes produisent des glands dont on se servait pour nourrir les bêtes. Mais, attention, ils peuvent aussi être dangereux… 

Le Quesnay

Le Quesnay, Rouvres,  le Chêne au loup  et le Chêne à la Vierge  à Marolles : autant de noms de paroisses ou de lieux-dits qui montrent l’importance et l’implantation de cet arbre en Pays d’Auge.

Paniers en feuille de chêne

Son bois est toujours recherché pour les fabrications les plus nobles : les meubles, les parquets. Lors des enquêtes menées sur l’histoire des arbres et de leurs petits usages, les anciens ont aussi révélé : « On fabriquait les paniers à pommes avec la feuille de chêne. On prélevait de jeunes tiges sur des souches de chênes. Les brins étaient ensuite fendus et tressés. » Sainte-Marguerite-de-Viette

 « L’hiver, on donnait des glands à manger aux lapins, mais on prenait soin d’enlever la petite pointe au bout du gland. »  Grandmesnil

« Pendant la guerre, on a fait du café avec des glands grillés, mais ça donne un café amer. »

« Quand les veaux avaient la diarrhée, on allait chercher de l’écorce de chêne que l’on faisait chauffer       dans le lait. »  Ou bien :  « On faisait une tisane de tan de chêne que l’on donnait aux veaux qui avaient la diarrhée. » Saint-Georges-en-Auge

À la fin de l’année

« À la fin de l’année, le maître nous faisait cirer les tables d’école avec de la pomme de chêne. » Lisieux        La « pomme de chêne » n’est pas un fruit mais la gale provoquée par la ponte d’une petite guêpe, le      cynips, dans un rameau de chêne.

Le gland rouge

Mais ce fruit  peut être dangereux. En 2013, des chevaux et des bovins se sont intoxiqués pour en avoir trop mangé sous les haies. Les anciens racontent que le moment où il est le plus toxique, c’est au début du printemps « quand le gland est rouge »…

Un éleveur a perdu cinq bœufs qui avaient mangé des glands. L’autopsie du vétérinaire a indiqué que leurs intestins étaient complètement durcis par le tanin.

Aspérule odorante ou petit muguet

Étrange petite plante sauvage qui ne sent rien lorsqu’elle est fraîche et qu’il est nécessaire de laisser sécher pour en sentir le parfum. En redécouvrir les usages…

Sous les hêtres

L’aspérule odorante (Galium odoratum) est une plante discrète des sous-bois de feuillus. En forêt de Montpinçon (Calvados), elle pousse sous les hêtres et les chênes en touffes serrées. En mai, sa floraison est remarquable : ses petites fleurs blanches en étoile tapissent le pied des arbres.

Mais paradoxalement elle ne sent rien, ou presque, quand elle est fraîche. Son arôme se dégage lorsque l’on coupe la fleur et qu’elle commence de sécher. La plante dégage alors un parfum d’amande.

Muguet des armoires

Autrefois, en Basse-Normandie,  les fleurs et le feuillage séchés de l’aspérule étaient glissés en bouquets enveloppés de papier de soie entre les piles de linge rangées dans les  armoires pour éloigner les mites, d’où son nom de « muguet des armoires ». Le botaniste normand Louis-Alphonse de Brébisson ajoute, dans sa Flore de la Normandie en 1835, qu’il a entendu  qu’on l’appelait  « petit muguet ».

Elle fut tellement utilisée que les Normands l’ont cultivée au jardin. Culture facile à conduire.

En cuisine

Le chef cuisinier Jean-Marie Dumaine, originaire de Tinchebray, exerce ses talents en Allemagne. Il ne cuisine que les plantes sauvages. En 2012, pour son retour dans son pays natal, et avec la complicité de Montviette Nature, il avait préparé une délicieuse crème à l’aspérule. La veille, il avait parfumé le lait chaud en y  laissant, toute la nuit, des feuilles et des fleurs sèches d’aspérule. Le lendemain, après l’avoir égoutté, il avait préparé une crème aux œufs selon une recette traditionnelle.

Dans les bois la bourdaine

En lisière des bois, en Normandie, pousse un arbuste plutôt discret : la bourdaine. On a oublié tous les usages que les anciens en faisaient…

La bourdaine, Rhamnus frangula ou Frangula alnus, pousse en lisière des bois au sol frais.
En 1835, dans sa Flore populaire de Normandie, le botaniste Louis-Alphonse de Brébisson précise que « son bois fournit un charbon très estimé pour la fabrication de la poudre à canon ».

Dans l’Orne, les anciens l’appellent encore le « bois de rose », même si l’on a oublié depuis longtemps qu’au XVIIe siècle son écorce servait à obtenir une teinte rose. L’usage a disparu mais le nom est resté.

Dans les bois, il se reconnaît à son écorce brune marquée de points plus clairs et réguliers. Ses fleurs blanches donnent une petite cerise noire que les grands-mères allaient cueillir pour préparer une tisane pour aider à la digestion.

Feuilles et bois de bourdaine
Réparer les galoches

A l’occasion des enquêtes menées par Montviette Nature sur l’histoire des arbres en Pays d’Auge, Renée racontait qu’à Montpinçon « le père Clément, le menuisier du village, allait cueillir des branches de bourdaine dans les bois. Il en taillait des chevilles pour réparer la semelle de bois des galoches que portaient les enfants pour aller à l’école. » À Montviette, on se souvient encore que vers 1930 « un marchand de balais, le père Varin, fabriquait un onguent avec de l’écorce de bourdaine pour soulager des rhumatismes. Il le distribuait quand il venait vendre ses balais dans les fermes. »

Galoches conservées au Pin, Calvados
Ça affole les chevreuils

Au Renouard, Roland observait que « ça affole les chevreuils. Quand ils mangent les premières pousses de bourdaine et de bouleau, ils se mettent à gueuler. Ils viennent auprès des maisons… »