Archives pour la catégorie Plantes cultivées

Herbe aux vers et herbe aux puces

En Pays d’Auge, dans les poulaillers ou dans la niche du chien, on faisait une litière de tanaisie pour chasser les tiques et les puces.

L’herbe aux puces

Ce qu’on appelle « herbe aux puces » est en fait la pulicaire (Pulicaria dysenterica),  une  plante des marais, des prairies humides  et des fossés que les anciens utilisaient pour chasser les puces. Cet usage en est, semble-t-il, oublié. Par contre, la tanaisie est toujours utilisée à cet effet.

Herbe aux puces
L’herbe aux vers

La tanaisie vulgaire (Tanacetum vulgare) pousse dans les friches, sur les talus secs. Elle a été cultivée dans de nombreux jardins du Pays d’Auge pour que l’on puisse s’en servir en cas de besoin. Elle servait à éloigner les puces et les tiques des animaux. Les feuilles, très découpées, sont fortement parfumées. Les fleurs jaunes  s’épanouissent à la fin de l’été. On la mettait dans la niche des chiens, dans les poulaillers, sous le joug où se perchent les poules. Elle était aussi suspendue en bouquets dans les étables pour le même usage.

Tanaisie

La tanaisie est aussi appelée « herbe aux vers ».  « On posait des feuilles de l’herbe aux vers sur le ventre des enfants pour les faire descendre », racontent les anciens.  Pour les adultes, on préparait un vin appelé « chartreuse ». Des feuilles de  tanaisie étaient mises à macérer dans du vin blanc.

La tanaisie en cuisine

La tanaisie sert aussi parfois en cuisine. À Lisieux, une famille préparait la pâte à crêpes de la Chandeleur en la « parfumant » avec une jeune pousse de tanaisie crispée, cultivée au jardin. La tanaisie était finement coupée et mêlée à la pâte. La tanaisie crispée est une espèce ornementale peu commune, à la mode au XIXe siècle. Elle est conservée dans quelques jardins comme à Lisieux et à Grandmesnil.

Un ancien de Saint-Michel-de-Livet, près de Livarot, raconte cette pratique : « Après les foins, on allait ramasser des moules au bord de la mer. Pour les parfumer, à la cuisson, on mettait un brin de tanaisie. »

Cassis jaune et cassis gris

Lorsque l’on évoque le cassis, on pense toujours au fruit noir acidulé. Les recherches menées dans les jardins du Pays d’Auge et de  Basse-Normandie  ont permis  de découvrir  un autre cassis, un cassis à grain jaune…

Cassis jaune, cassis gris

Chaque jardin abrite un petit coin réservé aux fruits rouges où l’on cultive les  groseilles à fruits rouges ou parfois blancs,  des groseilles à maquereau et quelques pieds de cassis noir pour faire les gelées et la liqueur.

À Grandmesnil (14) et à Neauphe-sur-Dive (61), nous avons découvert un cassis à grain jaune et, près de Troarn (14),  nous avons recueilli un « cassis gris ».

Le grain est jaune doré
Préparés à l'eau-de-vie
Témoignages

Roland raconte : « On avait un seul pied pour faire du cassis à l’eau-de-vie. On récoltait les fruits bien mûrs. Il fallait les égrener et les rincer. Mettre les fruits dans un bocal en verre fumé (pour protéger de la lumière). Les couvrir d’eau-de-vie. Boucher et garder deux mois dans le noir. À l’automne, on ajoutait du sucre dans le bocal.

Il fallait attendre Noël pour les manger. Les fruits sont dégustés avec l’alcool, comme les cerises à l’eau-de-vie. »
Neauphe-sur-Dive (61)


Michel de Troarn en parle autrement :

« Mes parents ont ramené le ″cassis gris″ de la Manche. Ils étaient originaires de la région de Périers. On l’a toujours eu dans la famille.  On l’appelle  cassis « gris », mais il est beige, jaune. Celui-là, on l’aime beaucoup, car il est bien plus doux que le noir. On le mange comme ça à la branche. »

L’origine du cassis jaune

On sait peu de choses de son introduction. La Société nationale d’horticulture montre qu’au XIXe siècle deux variétés, à fruit blanc et et à fruit jaune, ont été cultivées en France.
La deuxième variété décrite correspond bien à celui que nous avons retrouvé en Basse-Normandie : « Cassis à fruits jaunes, Ribes nigrum, f. xanthocarpum hort. Doch.  Arbuste touffu, de vigueur plutôt moyenne. Feuille grande vert-vif.  Fruit assez gros, brun verdâtre. Pulpe juteuse, sucrée, parfumée,  ferme. Maturité tardive. Rendement abondant mais irrégulier. C’est une variété d’amateur. »

L’herbe aux picots

Les anciens l’appellent   l’ « herbe aux picots »  ou « millefeuille ». Cette modeste plante sauvage ramassée sur les talus et dans les prés est utilisée pour fortifier les volailles délicates de la basse-cour.

L’herbe aux picots

Dans les prairies au sol un peu sec fleurit l’  « herbe aux picots » ou achillée millefeuille ( Achillea millefolium). On la reconnaît à ses feuilles aux multiples découpes fines, un peu rudes au toucher. Sa fleur, en ombelle blanche serrée, prend une teinte rose grenat en fin de floraison.

Dans les jardins, les horticulteurs ont sélectionné et élaboré des variétés aux teintes pastel qui vont de l’ocre au rose soutenu. La floraison dure tout l’été jusqu’aux gelées. À découvrir chez les pépiniéristes du Pays d’Auge

Le picot ou dindon

Le « picot » désigne le dindon en Normandie. C’est une  bête fragile qui demande un soin particulier. Vers l’âge de deux mois, « quand le rouge monte, il faut leur donner des graines d’ortie ou du millefeuille », raconte Roland.  Les anciens allaient cueillir l’herbe aux picots, la coupaient finement, et la mélangeaient à du poivre et du jaune d’œuf dur : « On les démarrait avec du jaune d’œuf broyé, des grains de poivre et du millefeuille. »

Marguerite rapporte aussi qu’ « on donnait aux oies une pâtée faite de farine d’orge et de millefeuille ». Ces témoignages sont extraits de Plantes remèdes en Pays d’Auge (Éd. Montviette Nature, novembre 2008).

Cette plante a aussi été utilisée pour soigner la gale des moutons.

Le terme d’ « herbe aux picots » est attesté par Louis Du Bois dans son Glossaire du patois normand (Lisieux, 1856).

L’herbe à savon

Certaines grands-mères  savent encore reconnaître au bord des chemins les herbes pour savonner, rincer, raviver les couleurs ou parfumer le linge.

Dans les périodes de disette, quand le savon vient à manquer, les femmes se rendent au bord des ruisseaux ou au pied de quelques talus secs pour y cueillir  l’ « herbe à savon »La saponaire officinale (Saponaria officinalis) est une plante vivace, traçante, qui fleurit en août et septembre. Toutes les parties de la plante et surtout la racine moussent lorsqu’elles sont froissées dans l’eau.

Au Moyen-âge, elle est utilisée pour dégraisser la laine des moutons et est appelée « herbe à foulon ». Elle a également servi  à nettoyer les plaies des lépreux, les dartres, la gale et l’eczéma.
La saponaire officinale est devenue une plante ornementale dans les jardins. La variété à fleurs doubles ‘Plena’ est réputée pour sa floraison tardive en septembre.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a remplacé le savon manquant : « Je me souviens que ma grand-mère me lavait le visage avec la fleur. Ça sentait bon» 

Pour rincer : iris et grande aunée
Dans un fossé à Grandmesnil (14)

« Le jour de la lessive, on n’arrose jamais les jardins, de crainte qu’il ne pleuve, raconte Bernadette. On faisait deux grandes lessives par an pour laver tout le linge blanc.  Il était déposé dans un cuveau. Sur le dessus, on place une étamine pleine de cendre de bois de pommier et de feuilles de laurier sauce. Avec le pucheux, on passe de l’eau bouillante que l’on recueille en bas du cuveau, que l’on réchauffe et repasse sur le linge. »

Au rinçage,  on utilise de la racine d’iris des marais (Iris pseudacorus) ou d’iris des jardins pour redonner toute sa fraîcheur au linge. Dans quelques familles, on va arracher de la racine d’aunée à grandes feuilles (Inula helenium) plante sauvage naturalisée sur les talus et quelques fossés du Pays d’Auge et du littoral ouest du Cotentin. À cet usage elle fut cultivée dans les jardins. Sa racine dégage une agréable odeur de violette.

Le lierre ravive le noir

Le noir était porté très jeune dans les familles. Au début du XXe  siècle,  la mariée est parfois vêtue  de noir. Dès le premier deuil dans la famille, les vêtements sont teints par la ménagère ou confiés à la teinturerie. Mais cette couleur passe exposée à la lumière. Pour lui redonner sa brillance, les femmes mettent à tremper les vêtements de deuil avec des feuilles de lierre (Hedera helix).

Le muguet des armoires

Quand la lessive a séché, étendue sur des cordeaux entre les pommiers dans la cour de la maison, le linge est soigneusement rangé dans les armoires. Pour lui conserver toute sa fraîcheur, on glisse entre les piles de draps de petits bouquets de « muguet des armoires » ou aspérule odorante (Asperula odorata). Cueillie dans les bois de hêtres, c’est une petite fleur blanche discrète et sans odeur. C’est seulement lorsqu’on la coupe qu’elle dégage un agréable parfum d’amande. Le botaniste Louis-Alphonse de Brébisson signale son usage et son nom de « muguet des armoires » dans sa Flore de la Normandie publiée en 1836.
Les fleurs de lavande cueillies à la fin de l’été, emballées dans de petits sachets de papier de soie, sont glissées entre les piles de draps de lin ou de coton.

Les  garde-robes

L’aurone (Artemisia abrotanum) est cultivée depuis le Moyen-âge comme plante médicinale. C’est une armoise au feuillage finement découpé,  utilisée pour stimuler la digestion et comme vermifuge.

Dans les armoires, on suspend un rameau d’aurone pour  parfumer le linge et en éloigner les insectes.

La santoline (Santolina chamaecyparissus) est utilisée pour ses propriétés identiques : dans les armoires, elle sert de « garde-robe » en éloignant les mites. Le terme de « garde-robe » est      attesté par Louis Du Bois dans son Glossaire du patois normand  (Lisieux, 1856).

Anémone des croisés et anémone éclatante

Autrefois cultivées dans les jardins en Normandie, deux formes rares d’anémone éclatante ont été redécouvertes…

Les visites de jardins sont parfois l’occasion de merveilleuses surprises et les propriétaires ne connaissent pas toujours la rareté de ce qui pousse dans leurs bordures…

Curieuse anémone


Au mois d’avril, alors que la végétation est encore engourdie, dans deux jardins, à Boissey et à Morteaux-Coulibœuf, s’ouvre une curieuse anémone. Une fleur éclatante, aux nombreux pétales rouge vif parfois striés d’un peu de blanc, s’épanouit durant près de trois semaines.
Les gens d’ici l’appellent l’ « anémone des croisés ». Ce nom vient d’une légende attachée au château de Morteaux-Coulibœuf où elle est cultivée depuis toujours. Les propriétaires racontent que le château aurait appartenu à un chevalier parti délivrer le tombeau du Christ  et qu’il aurait rapporté d’Orient cette plante rare.

Si ce jardin entoure une demeure médiévale, rien n’atteste du voyage de cette anémone à travers l’Europe jusqu’à ce jardin. Néanmoins la légende de cette fleur aux coloris éclatants est  fascinante. Le Jardin Conservatoire de Saint-Pierre-sur-Dives conserve précieusement et l’histoire et la plante.

L’anémone des croisés

L’anémone des croisés est l’anémone éclatante à fleurs doubles  (Anemone fulgens multipetala, Ranunculaceae). En 1894, dans son catalogue Les fleurs de pleine terre, Vilmorin écrit que c’est l’anémone « que l’on cultive dans l’ouest et dans le centre de la France sous le nom d’Anémone Œil-de-Paon double ».  On la retrouve dans de vieux jardins préservés autour de Caen, Livarot (14) et dans plusieurs jardins du département de l’Orne. Quelques pépiniéristes collectionneurs la vendent sur des salons de jardin.

Anémone des croisés
L’anémone éclatante

Lorsqu’en 1997, nous avions découvert l’anémone des croisés en Pays d’Auge, une grand-mère de Montviette nous en avait montré une autre dans son jardin : une petite anémone à corolle simple mais au rouge très intense. Pensant qu’il s’agissait  d’une variation de l’anémone de Caen, nous avions juste réalisé un cliché et classé la photo. Mais voilà qu’elle réapparaît à l’occasion d’autres visites de jardins à Montviette, Bourguébus, Carpiquet et près de Flers.

Les recherches nous mènent sur la piste d’une espèce botanique, l’anémone éclatante (Anemone fulgens, Ranunculaceae) plante sauvage présente dans les Pyrénées, en Aquitaine et jusqu’en Turquie. Cette espèce spontanée n’est toutefois pas très commune et ne se présente qu’en petites stations. Vilmorin la décrit et précise qu’elle a été cultivée à Paris et dans l’ouest.  Elle fut, en effet,  proposée au catalogue de 1909 de A. Lenormand, cultivateur grainier à Caen.

Vignons ou ajoncs

Au sommet des plateaux du Pays d’Auge, en lisière des bois et le long des dunes du littoral, pousse l’ajonc d’Europe… 

Solide arbuste aux épines redoutables, l’ajonc (Ulex europaeus)  est communément appelé « vignon » en Pays d’Auge. Les défrichements de la fin du XIXe siècle pour augmenter les surfaces herbagères destinées à la production laitière  ont repoussé cet arbuste aux confins des bois. Toutefois, celui-ci ne cherche qu’à repousser vigoureusement. Seuls le pâturage et le travail de fauche l’empêchent de reconquérir l’espace.
En 1828, le botaniste Louis-Alphonse de Brébisson avait observé des cultures d’ajoncs appelées  « vignonnières » autour de Falaise. Elles servaient de combustible pour les fours à chaux.

Le botaniste normand Auguste Chevalier dans la Revue de botanique appliquée et d’agriculture coloniale en 1941 émet l’hypothèse que « même en France, il n’est pas certain qu’elle soit spontanée dans les stations où elle est pourtant abondante ». Il suppose qu’elle aurait été introduite et cultivée comme plante fourragère. (voir « Les Ulex comme engrais verts et plantes fourragères »)

Les botanistes contemporains normands, comme Michel Provost, ne retiennent cependant pas cette hypothèse.

De solides épines
À la crèche et dans le torchis

Autre usage inattendu : à Montviette, au XVIIIe siècle, au lieu-dit l’Orée,  on a mêlé des  brins d’ajoncs et de callune à l’argile pour rendre plus solide le torchis d’une maison en pan de bois.

Madeleine raconte que dans la ferme de son père « pendant l’hiver quand il n’y avait plus rien à manger, on écrasait des tiges de vignons pour les donner aux lapins ».

Quand il n'y avait plus rien
Comme une haie morte

Liliane se souvient que son père allait à la lisière des bois du Billot chercher des vignons. « On les coupait à la faux et  on les redescendait avec les chevaux et le chartis. On plantait des piquets tous les deux ou trois mètres et de chaque côté. On bourrait les branchages entre les piquets et on serrait avec un appareil à vis et à manivelle. Et on serrait avec du fil de fer.  C’était pour clore des herbages où il y avait des trous : ça faisait comme une haie morte. »

Et Denise parle de cette autre coutume à Sainte-Marguerite-des-Loges : « On allait cueillir de l’ajonc en fleur pour mettre dans la crèche. On enfilait une vieille chaussette pour se protéger la main. »

Auguste Chevalier, né le 23 juin 1873 à Domfront et mort à Paris le 4 juin 1956, a dirigé la Revue de botanique appliquée de 1921 à 1953.

Chrysanthèmes perpétuels

Les  chrysanthèmes  célèbrent la Toussaint mais auparavant une autre  forme de chrysanthème appelée « marguerite d’automne » fleurit dans les jardins.

Gravure du type sauvage : Chrysanthemum indicum à fleur jaune vif.

Origine du chrysanthème

Un chrysanthème sauvage à toutes petites fleurs jaunes, originaire de Chine, fut introduit au Japon et cultivé dès le XIIe siècle.  Le célèbre horticulteur, Henry de Vilmorin, soupçonne même que la plante ait été dérobée. Les Japonais produisent des formes singulières comme la fleur en tubes et seraient parvenus à créer un coloris presque bleu mais tenu secret.

Les premiers essais de culture ne commencent qu’en 1789 dans le sud de la France. Ils sont obtenus de semis. Puis les essais porteront sur le bouturage.

En 1887, le voyageur et romancier Pierre Loti, fasciné par cette plante qu’il découvre au Japon, en fait le sujet d’un roman : Madame Chrysanthème. Et la plante devient à la mode. Dès 1895, à Lisieux, puis à Honfleur elle fait l’objet de somptueuses expositions d’automne.

Auguste Chevalier, « Notes Historiques sur l’origine du Chrysanthème d’automne », Revue de botanique appliquée et d’agriculture coloniale, Vol. 17, n° 195, novembre 1937,  p. 804 à 813.

Vilmorin-Andrieux, Les différentes cultures du chrysanthème, 3e  éd., Vilmorin-Andrieux et Cie, Paris, 1927.

Henry Lévêque de Vilmorin, Le chrysanthème, histoire, physiologie et culture en France et à l’étranger, Imprimé pour l’auteur, Paris, 1896.

Exposition de chrysanthèmes, Lisieux 1907 (La revue lexovienne illustrée – Journal illustré du Calvados, n°8, décembre 1907)
Lisieux, ville des chrysanthèmes

Au cours de nos enquêtes sur le fleurissement des cérémonies, les anciens racontent : « Les chrysanthèmes sont apparus sur les marchés après la guerre de 1914-1918. Au début, on ne trouvait que des chrysanthèmes à grosses têtes, des bordeaux et des jaunes. »  Ils furent d’abord déposés au monument aux morts le 11 novembre. Ensuite l’habitude fut prise de fleurir les tombes pour la Toussaint avec ces fleurs, alors qu’auparavant on portait sur la tombe des croix et des couronnes de perles fabriquées dans de petits ateliers locaux comme aux Quatre sonnettes à Lisieux.

À Lisieux, à partir de 1890, la Société d’horticulture incite les pépiniéristes à cultiver cette plante « qui pourrait faire la richesse de la région »…

 

La marguerite d’automne

À côté des chrysanthèmes à grandes fleurs cultivés en pots qui exigent des soins et des gestes précis, les jardiniers du Pays d’Auge ont découvert et installé en pleine terre une autre espèce bien plus rustique appelée « marguerite d’automne », « chrysanthème d’été » ou  « chrysanthème perpétuel ».  Il forme de belles touffes  qui ne demandent aucun entretien. En  Pays  d’Auge,  nous  en  avons retrouvé  trois  variétés  : un pourpre un peu saumoné à fleur simple est cultivé dans un jardin du Mesnil-Bacley et un rose simple à Montpinçon. Et à Mittois et Montviette, nous avons recueilli une variété pourpre à fleurs doubles.

La laîche et le livarot

La « laîche », ce grand roseau spontané des lieux humides, est depuis plus d’un siècle lié à la fabrication du livarot…

En 1980, Denis, diplômé de l’école de fromagerie de Mamirolle dans le Doubs, s’installe à la Houssaye à Boissey.

« Quand j’ai repris la fabrication du livarot, on n’utilisait plus de laîche. C’était seulement du papier : vert chez Desjardins, orange chez Graindorge. Yves Meslon avait été le dernier à utiliser  de la laîche autour de son fromage le cadichon. Il la  ramassait sur un étang à Montviette. »

« Le livarot est fait au lait écrémé. C’est un fromage maigre un peu comme le gauville fabriqué près de L’Aigle. Ce dernier faisait moins de trois centimètres de talon, alors que le livarot est épais, ce qui oblige à tenir la pâte.

J’ai repris la laîche, car je supposais qu’elle conservait l’humidité autour du fromage  et offrait un habitat aux micro-organismes. Le service des fraudes me l’a déconseillé. J’ai proposé des analyses sur la laîche sèche ; ils n’ont rien trouvé. »

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La laîche, en réalité le Typha latifolia ou massette ou « roseau totem », est le plus grand roseau des zones humides de Normandie. Sa fleur, un pompon brun foncé, était utilisée dans les bouquets secs et vendue chez les fleuristes.

Ses longues feuilles résistantes et souples avaient aussi servi à attacher les piles de camemberts, car  avant l’introduction des boîtes en peuplier  ils étaient simplement rangés dans des caisses en bois.

« Quand Renée ma grand-mère était jeune, elle a vu les camemberts en bottes attachés avec de la laîche, pour les amener sur les marchés. » Écots (14)

Préparer la laîche

Les fermiers ont d’abord utilisé la laîche qui poussait dans les fossés. Puis ils l’ont cultivée dans les mares. Armand se souvient que les vaches aimaient tellement la laîche qu’il a fallu planter des haies autour ou clôturer les mares.

Les plus anciens témoignent : « En septembre, on coupait la laîche sur la mare avec les voisins. Les femmes la nettoyaient et la calibraient. Mise en bottes, elle était pendue à sécher dans les greniers. » Montviette (14)

Images : La coupe de la laîche, Raymond Leprieur, 1988 ; Coupe de la laîche Montviette, 1954, photographie coll. Montviette Nature, Etiquette boîte à fromage de la ferme Leboucher, Montviette, vers 1920, coll. Montviette Nature.  

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Cette pratique abandonnée pendant quelques années est relancée par Denis : « Isidore Guilmin m’a montré. La pousse, je ne m’en occupais pas. Dans la deuxième quinzaine d’août, on la coupait à la serpe. Ensuite on l’effeuillait. On ne gardait que le vert, le beau roseau. Puis on la mettait dans le grenier en bottes.

Une fois sèches, on emmenait les bottes à madame Madeleine et chez les écaleuses.

Fernande travaillait aux caves chez Desjardins à Sainte-Marguerite-de-Viette et, les soirs d’hiver, elle emmenait ça à faire chez elle à Montviette. Elle utilisait un couteau pointu. Auparavant on écalait avec un morceau de buis taillé en pointe.

Carte postale Fromagerie Desjardins, Sainte-Marguerite-de-Viette (14), coll. Montviette Nature.


Encore aujourd’hui, on la fend en lanières que l’on gratte avec le couteau ou l’ongle du pouce pour enlever l’espèce de moelle, comme sur le jonc. On reforme ensuite la botte et on la plie en écheveau.

Plus tard, quand on en a besoin pour lier le livarot, on trempe la botte dans un seau d’eau et on déplie l’écheveau pour le travailler. »

Cette pratique devrait se développer puisqu’à compter du 1er mai 2017, le cahier des charges AOC (appellation d’origine contrôlée) et AOP (appellation d’origine protégée) impose l’utilisation de la laîche autour du livarot 4/4 d’un poids de 450 à 500 g.

Le framboisier d’Amérique

Parmi les petits fruits cultivés au jardin,  deux espèces de framboisiers ont été identifiées  :  le framboisier commun, avec plusieurs variantes, et dans quelques jardins subsiste une espèce moins connue,  le    « framboisier d’Amérique ».

Ce framboisier, plutôt une ronce, solide, épineuse à la tige rouge, produit des fruits allongés et fermes. Ils sont à maturité lorsqu’ils prennent une teinte rouge sombre. Leur parfum est moins prononcé que ceux de l’espèce commune et sont surtout utilisés pour décorer les pâtisseries, car la chair du fruit se tient bien.

Une tige épineuse et rouge

Une histoire mal connue
L’histoire de cette espèce est mal connue et très peu documentée. Dans le Supplément au Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et métiers de 1777, il est précisé : « On nous a envoyé sous le nom de Framboisier d’Amérique, un framboisier qui ressemble au commun, mais qui est plus étoffé dans toutes ses parties : le fruit en est plus allongé, plus gros et plus tardif mais moins parfumé. Nous avons élevé le framboisier par la semence, qui avait été envoyée d’Amérique à M. Le Monnier. »  Les pépiniéristes proposent la « mûre-framboise »  (Rubus x loganobaccus), un hybride entre la ronce (Rubus ursinus) et le framboisier commun, mais le framboisier d’Amérique est très épineux et ne correspond donc pas à cette description.

Son comportement est celui d’une ronce qu’il faut palisser. Le feuillage est d’un vert un peu bleuté, rugueux. La tige est couverte d’aiguillons rigides. La plante se reproduit non par drageons, mais par marcottage des tiges sur le sol, comme le fait la ronce des haies.

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Conserver cette espèce

Il nous semble intéressant de conserver cette espèce un peu singulière apparue dans les jardins du Pays d’Auge au début du XXe siècle et dont nous ne savons pas grand-chose sinon son extrême rusticité.

À découvrir au Jardin Conservatoire de Saint-Pierre-sur-Dives